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RUSHDIE SALMAN (1947- )

Orient et occident

East, West (1994, Est, Ouest ) rassemble une série de nouvelles de valeurs inégales qui s'articulent autour d'une opposition géographique et culturelle entre les deux pans de l'imaginaire de l'auteur. The Moor's Last Sigh (1995, Le Dernier Soupir du Maure) revient à l'inspiration magico-réaliste des Enfants de minuit. Rushdie narre les mésaventures d'une dynastie indienne, les Zogoiby, dont la fortune, bâtie sur le commerce des épices, devient une allégorie des rapports historiques entre l'Orient et l'Occident. Fasciné qu'il est par l'hybridité, Rushdie met en scène Moraes, un protagoniste indien qui compte parmi ses ancêtres un Juif andalou émigré en Inde après la Reconquête. Aurora, la mère du héros, peintre renommée et héritière de la fortune poivrière, a épousé un contremaître de son père, s'engageant ainsi dans une union à la fois scandaleuse et orageuse. Le roman se présente comme le « testament » de Moraes, « Maure » coupé de ses origines, à la recherche du paradis perdu et de l'image maternelle qu'il chérit d'un amour incestueux. Il y est question à nouveau d'adultère, de cachots, de passions destructrices, de politiciens véreux, d'hindous extrémistes. L'auteur renoue également avec l'allégorie métafictionnelle qui repose, cette fois, sur l'image de l'œuvre picturale.

La figure centrale de The Ground BeneathHerFeet (1999, La Terre sous ses pieds), une chanteuse de rock « entre deux mondes », fascine deux jeunes Indiens, dont le narrateur, un photographe, qui poursuit sa passion depuis son Bombay natal jusqu'aux États-Unis. Les différentes étapes de cette quête du désir par-delà la mort s'inscrivent dans le contexte historique de la seconde moitié du xxe siècle, dans l'Inde d'Indira Gandhi et de ses successeurs, dans l'Angleterre des radios libres et à New York, mégapole sur le point d'accéder au statut de capitale du monde.

Le protagoniste de Fury (2001, Furie) abandonne épouse et famille en Angleterre pour commencer une nouvelle vie à New York. Ce roman reprend d'une manière plus sombre la question du rapport entre créateur et création : l'artiste n'est-il qu'un adroit manipulateur de marionnettes qui finalement, échappant à son emprise, le manipulent à leur tour ? Dans cette œuvre, l'inventivité du conteur est parfois occultée par une certaine tendance à la caricature. La relation entre père absent et fils apporte toutefois une touche d'humanité salutaire dans un livre aux relents parfois nihilistes.

Avec Shalimar the Clown (2005, Shalimar le clown), Salman Rushdie revient au territoire familier de ses débuts, celui d'une narration où alternent fiction et références à l'actualité géopolitique. Max Ophuls, Juif strasbourgeois entré dans la résistance contre l'occupation allemande, puis ambassadeur américain en Inde, croise le chemin de Shalimar le Clown, un jeune Cachemiri devenu djihadiste. L'ambassadeur prend pour maîtresse la femme de Shalimar, qui donne naissance à une fille élevée en Occident. Le Cachemire représente souvent chez Rushdie le paradis perdu des origines, un lieu où les diverses confessions vivaient en relative harmonie avant que la rivalité indo-pakistanaise et l'affrontement entre l'Est et l'Ouest ne fassent voler en éclats cette belle utopie. Sans rien abandonner de sa créativité, Rushdie parvient à créer dans ce roman particulièrement réussi un équilibre entre fantaisie et rigueur narrative.

Bien intégré dans l'intelligentsia internationale tout en restant fermement ancré dans la culture de Bombay, Rushdie incarne la réalité du multiculturalisme avec ses périls et le formidable espoir qu'il représente. Pour lui, le cosmopolitisme de sa ville natale ne peut qu'inciter à la tolérance et[...]

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Médias

Salman Rushdie, 2010 - crédits : Billy Farrell/ Patrick McMullan/ Getty Images

Salman Rushdie, 2010

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Ganesha, Bali

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