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SALONS, Denis Diderot Fiche de lecture

Du journalisme à la philosophie de l'art

Diderot, au moment où Grimm s'adressa à lui, n'était pas un néophyte en matière d'esthétique. Il s'était en effet passionné pour ces questions lors de la rédaction de l'Encyclopédie, qui était en train de s'achever, et pour laquelle il avait écrit notamment l'article « Composition », dont on retrouvera l'écho dans ses Essais sur la peinture. Il entretenait des relations suivies avec divers artistes, entre autres le sculpteur Étienne-Maurice Falconet (1716-1791), tout en appuyant sa réflexion sur une bonne connaissance des ouvrages théoriques, depuis Roger de Piles jusqu'aux philosophes anglais contemporains. La demande de Grimm venait à son heure. Diderot prit sa tâche très à cœur, multipliant les visites et les discussions avant de se lancer dans une rédaction qui, comme souvent chez lui, prit rapidement de l'ampleur. Le premier Salon, celui de 1759, est assez court, mais ceux de 1761 et de 1763 sont plus longs, et contiennent surtout des digressions générales sur l'art en plus des critiques des tableaux ou des sculptures présentés. Diderot suit généralement l'ordre du livret, qui classe les artistes par rang de préséance au sein de l'Académie, mais il lui arrive de le bousculer en tenant compte de l'accrochage ou de la disposition des œuvres, parmi lesquelles il fait de toute façon un choix. Le Salon de 1765, écrit selon l'auteur en « dix-sept jours de suite, du soir au matin », est augmenté des Essais sur la peinture. Le plus important est le Salon de 1767, où Diderot use avec habileté de tous les procédés littéraires possibles (inventant ainsi une « promenade » dans les tableaux de paysage de Joseph Vernet) et qui s'achève, après de multiples digressions, par un « État actuel de l'École française pour la peinture », et par un essai, De la manière. Le Salon suivant, celui de 1769, (qui commence par les « Regrets sur ma vieille robe de chambre »), est plus court comme celui de 1771. En 1773, Diderot s'interrompt (c'est le moment de son voyage en Russie). De retour en 1775, il s'en tient à la seule peinture, et s'arrête en 1777 et 1779, sans doute las des efforts sans cesse renouvelés pour la « boutique de Grimm » (Diderot a d'ailleurs tendance, depuis 1771, à beaucoup s'inspirer des autres comptes rendus publiés, dont le nombre augmente). Grimm obtient néanmoins un nouvel et dernier effort en 1781, qui nous vaut les réactions enthousiastes de Diderot face au Bélisaire de David (musée des Beaux-Arts de Lille).

À l'exception des Regrets, édités (en français) dès 1772, probablement à Karlsruhe, les Salons n'ont pas été publiés du vivant de Diderot. Ils le furent ensuite peu à peu, et cette fois par des éditeurs parisiens : en 1795, le Salon de 1765 et les Essais sur la peinture ; en 1798, le Salon de 1767 ; en 1813, le Salon de 1759 ; en 1829, ceux de 1761 et (partiellement) de 1769. On disposa d'une version d'ensemble en 1857. À la difficulté d'accès aux originaux s'ajoutait le problème des variantes : Diderot aimait retravailler ses textes au moment des envois, et ses autographes ne font donc pas forcément autorité ; en outre Grimm ne se privait pas de faire des ajouts ou d'annoter de son côté. Il faut attendre le xxe siècle pour qu'une édition véritablement critique en soit donnée par Jean Seznec, qui reproduit toutes les œuvres commentées, travail sur lequel se sont fondées les multiples éditions parues depuis. Diderot reste l'un des meilleurs guides pour découvrir l'art français du xviiie siècle, et les Salons apparaissent comme un modèle insurpassé de critique d'art.

— Barthélémy JOBERT

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Autres références

  • FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIIIe s.

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    • 5 médias
    ...ou l’Oberman de Senancour témoignent de la relation nouvelle entre l’homme, la nature et la morale qui s’est formulée dans cette esthétique. Les Salons, composés par Diderot entre 1759 et 1781 à l’intention des lecteurs de la Correspondance littéraire, constituent l’un des premiers chefs-d’œuvre...