Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

POL POT SALOTH SAR dit (1928-1998)

Lorsque la radio khmère rouge annonça que Pol Pot venait de « crever » de vieillesse le 15 avril 1998 à Sahook, la nouvelle eut d'autant plus d'impact que Pol Pot n'avait été vu par aucun observateur indépendant de décembre 1979 à juillet 1997. Appelé également Frère numéro un, Code 87, Bang Pol ou Lamoth, il avait pour vrai nom Saloth Sar. Il serait né le 19 mai 1928 dans la province de Kompong Thom. Fils de paysans prospères, Sar effectue de médiocres études mais, grâce à ses liens avec le Parti démocrate, il obtient une bourse pour étudier à Paris (1949-1952). Il y fréquente le Cercle marxiste des étudiants khmers, adhère vraisemblablement au Parti communiste français et côtoie d'autres futurs dirigeants communistes : Khieu Samphan, Son Sen, Ieng Sary. À son retour, il rejoint une unité combattante sur la frontière vietnamienne et devient membre du Parti communiste indochinois. Ses activités secrètes conduiront Sar dans les maquis du Nord-Est, où il découvre auprès des Vietnamiens de la base 100 la discipline, l'organisation, le travail politique ainsi que l'importance de la clandestinité. En 1965, à la tête d'une délégation du Parti des travailleurs – qu'il dirige depuis 1962 –, il se rend à Hanoi pour présenter son programme politique à Lê Zuan. Alors que le dirigeant vietnamien morigène son jeune collègue, les Chinois l'accueilleront avec chaleur. Le parti change de nom (Parti communiste du Kampuchea) et s'engage sur la voie du maoïsme. L'affrontement sourd commence avec Hanoi (1967) qui s'inquiète du choix des Cambodgiens pour la lutte armée.

Sar est à nouveau à Pékin quand Sihanouk est renversé et rejoint le Gouvernement royal d'union nationale du Kampuchea, associant partisans du prince et communistes ; il en devient le chef militaire. Alors que les combats s'intensifient contre le régime de Lon Nol, l'opposition avec la ligne politique vietnamienne se durcit ; Sar en profite pour liquider les Khmers viêt-minh.

À l'heure de la victoire, dans une capitale vidée de ses habitants, Sar rentre après douze ans d'absence (24 avril 1975). Alors que l'utopie d'une collectivité agrarienne s'installe, le Kampuchea démocratique poursuit une politique ultranationaliste et violemment agressive vis-à-vis de Hanoi. En avril 1976, après la proclamation de la Constitution et du nouveau gouvernement, on apprend que le Premier ministre s'appelle Pol Pot, un nom courant dans les campagnes. Il est présenté comme un ouvrier des plantations d'hévéas. Il faudra près d'un an pour reconnaître en lui Saloth Sar. Lui-même ne l'admettra publiquement qu'en 1979.

Dans la clandestinité comme au pouvoir, il est difficile de cerner Pol Pot. Non seulement ses écrits et discours évitent tous détails personnels, mais la direction du pays, du parti restent opaques. Ainsi, pourquoi Pol Pot a-t-il « suspendu » ses activités pour « raisons de santé » en septembre 1976 ? Quelques mois plus tard, les purges prennent de l'ampleur avant une nouvelle recrudescence en mai 1978. Si l'« autogénocide » est encore sujet à controverses, le régime khmer rouge au pouvoir trois ans, huit mois et vingt jours fit plus d'un million de morts : par malnutrition, épuisement, maladies et par au moins cent mille exécutions pour crimes contre l'État. Cette utopie meurtrière fut le produit des guerres par procuration des grandes puissances, d'idéologies radicales importées et de l'histoire de la société khmère. Si le nationalisme de Pol Pot a emprunté au bouddhisme khmer les notions de discipline, de transformation personnelle, de renaissance, d'actions justes et de négation de soi, sa carrière fut tout autant marquée par les influences étrangères. Sa connaissance de la langue française lui permit d'accéder au marxisme et le maoïsme de découvrir les concepts de la révolution autonome,[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : enseignant à l'Institut national des langues et civilisations orientales

Classification

Autres références

  • CAMBODGE

    • Écrit par , , , et
    • 25 909 mots
    • 24 médias
    ...Kampuchéa démocratique. Sihanouk, revenu au pays en décembre 1975, ayant décliné les fonctions de chef de l'État, Khieu Samphan les assume et, en avril 1976, un gouvernement est formé, qui remplace le G.R.U.N.C. Il est présidé par Saloth Sar, secrétaire général du P.C.K. qui a pris le nom de Pol Pot.
  • GÉNOCIDE

    • Écrit par
    • 8 501 mots
    • 1 média
    Une impression d'ensemble : le droit peine, en ce domaine plus encore que d'habitude, à se dégager du politique. Une illustration claire de cela ? Le manque flagrant de volonté des États membres d'agir pour forcer Pol Pot et les chefs khmers rouges à répondre du génocide commis au Cambodge, quelque...
  • IENG SARY (1925-2013)

    • Écrit par
    • 387 mots

    Homme politique cambodgien, Ieng Sary fut vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Kampuchea démocratique de 1975 à 1979, sous le régime des Khmers rouges dirigé par Pol Pot, son beau-frère. À ce titre, il fut accusé d'être un des responsables de la mort de plus d'un million de...

  • IENG THIRITH (1932-2015)

    • Écrit par
    • 390 mots

    Femme politique cambodgienne, Ieng Thirith fut une figure centrale du régime khmer rouge de Pol Pot (1975-1979). À ce titre, elle est considérée comme coresponsable de la mort de plus d’un million de personnes.

    Khieu Thirith est née le 10 mars 1932 dans la province de Battambang dans l’ouest...