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SALUT

La notion de salut en histoire des religions est une notion complexe. Elle comporte un aspect négatif, par où le salut s'entend comme délivrance et libération ; dans cette perspective, les maux dont le fidèle se trouve préservé sont souvent de nature matérielle, ou du moins temporelle : maladies, infortunes diverses, mort de soi-même ou d'autrui ; mais il s'agit aussi de maux spirituels : le salut libère du péché, ou de l'emprise d'un monde jugé mauvais. On se rapproche ainsi du contenu positif de cette notion, où il s'agit de l'octroi d'un bien ; généralement, du seul bien désirable, unum necessarium, la vie éternelle ; on parlera alors du salut eschatologique. Mais l'ambiguïté n'est pas pour autant levée ; car le salut eschatologique peut difficilement se trouver purement et simplement repoussé jusqu'à la fin des temps ; il doit se manifester dès cette vie, sous forme de promesse, d'arrhes, de réalisation inchoative. Cette incertitude apparaît plus ou moins dans tous les contextes religieux, mais l'accent y est mis sur l'un ou l'autre pôle. Certaines langues ont des mots différents pour désigner le salut comme délivrance et le salut comme plénitude ; c'est ainsi que l'allemand emploie Erlösung dans le premier cas, et Heil dans le second ; le français ne bénéficie pas de cette clarification, et l'on y doit savoir chaque fois de quel aspect du salut l'on veut parler. Un autre fait de langue est la parenté sémantique qui existe entre le salut que l'on donne en saluant et le salut que procure le sauveur, puisque Littré aussi bien que Bloch et von Wartburg définissent le verbe « saluer » : « souhaiter à quelqu'un le salut ». Toutes les religions, a-t-on dit, font plus ou moins sa place au salut ; il ne peut être question d'en faire ici la revue complète ; on y prélèvera quelques échantillons significatifs, choisis dans les milieux les plus différents ; on examinera ainsi la conception du salut que l'on rencontre dans les religions de l'Inde, dans la religion grecque, et bien entendu dans la tradition judéo-chrétienne ; on essaiera de dégager les caractères spécifiques propres à chaque cas ; sans méconnaître les courants communs qui circulent à travers ces diverses manifestations.

La délivrance dans le védisme et le bouddhisme

L'une des doctrines centrales de la religion de l'Inde ancienne est, on le sait, celle du karman : la nécessité qui s'impose à l'âme de toujours subir une renaissance nouvelle dans une condition humaine ou animale déterminée par la qualité de ses actes passés. Le salut consiste à s'évader de la fatalité du karman, à briser le cycle des renaissances, à l'immobiliser de même que la roue du potier s'arrête quand aucune impulsion ne la fait plus tourner. Selon certaines écoles, cette délivrance n'est possible qu'à la mort, mais d'autres voient dans le saint, dès ici-bas, un « délivré-vivant » dépouillé de tout besoin, de tout désir, de tout intérêt : « Il jouit sans relâche de la délivrance, plongeant et replongeant dans ce lac de béatitude innée qu'est la suprême réalité de Shiva », dit la Vague de félicité, poème attribué à Shankara.

Selon que la perspective est théiste ou athée, l'état du délivré dans la mort définitive est décrit de façons diverses, mais concourantes : passivité et union à Dieu, abolition de la conscience, dépersonnalisation et identification avec le brahman, « comme est l'écoulement du fleuve dans la mer ».

Bien qu'on le regarde parfois comme une hérésie du brahmanisme ancien, le bouddhisme a repris et fortifié cette représentation du salut dans la doctrine célèbre mais souvent mal comprise de l'« extinction » ou nirvâna : celui qui sait s'arrache[...]

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Écrit par

  • : pasteur, président du journal Réforme
  • : directeur de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études (IVe section)

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