SALUT
Controverses chrétiennes autour du salut
Le début du christianisme a donné la prédominance au salut eschatologique, déjà manifesté dans la première venue cachée de Jésus-Christ, qui, par sa mort et sa résurrection, a brisé les barrières entre les hommes et réalisé la réconciliation, et qui, dans sa seconde venue glorieuse, ressuscitera les morts, métamorphosera les vivants, apportera le salut à la terre entière. On trouve des traces de cette attente de l'imminence du salut eschatologique dans la plus ancienne épître du Nouveau Testament : « Dieu ne nous a pas destinés à subir sa colère, mais à posséder le salut par notre Seigneur Jésus-Christ, mort pour nous afin que, veillant ou dormant, nous vivions alors unis à lui » (I Thess, v, 9-10).
Cependant, il y a aussi dans le Nouveau Testament une autre ligne de pensée qui compte avec le retard de la parousie, c'est-à-dire du retour de Jésus-Christ, et qui, dans cette attente et cette veille, insiste sur le salut déjà présent aujourd'hui dans la prédication de l'Évangile à tous les hommes, jusqu'aux extrémités de la terre : « Allez donc : de toutes les nations, faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps » (Matt. xxviii, 19-20).
On constate donc, dès le Nouveau Testament, une certaine controverse entre les tenants d'un salut ultime et proche, d'une part, et les tenants d'un salut immédiat et persévérant, d'autre part, entre ceux qui vivent de l'attente du Royaume et ceux qui pratiquent la persévérance et la fidélité de l'Église au milieu de la permanence du monde tel qu'il est, ensemencé déjà de la puissance de l'Évangile, mais pas encore transporté ni transformé dans la gloire du royaume. Sans attente eschatologique, l'Église risque toujours de se prendre elle-même pour le Royaume. Ce sont les confusions et les illusions du triomphalisme. Mais, sans pratique ecclésiale de la foi, de l'espérance et de l'amour, l'eschatologie risque toujours de se transformer en une impatience futuriste et millénariste, elle aussi source de bien des confusions et de bien des illusions. Le propre du salut en Jésus-Christ consiste dans la tension entre le « déjà là » de la réconciliation présente et le « pas encore » de la rédemption finale.
On peut examiner toute l'histoire de la théologie et de l'Église chrétienne sous cette double perspective du salut accompli et à venir. Ainsi le docétisme, en ne confessant pas clairement la venue du Christ, Verbe de Dieu dans la chair, oublie la présence accomplie du salut. Au contraire, le gnosticisme, en survalorisant l'expérience intérieure et immédiate des parfaits, oublie le réalisme de l'attente eschatologique. L'arianisme, en considérant le Fils seulement comme la première créature du Père et l'Esprit seulement comme la première créature du Fils, nie l'égalité fondamentale et éternelle des trois personnes de la Trinité, au point qu'à strictement parler le Père seul est Dieu, ce qui remplace la confession du salut accompli dans les derniers temps en Jésus-Christ par un monothéisme de la transcendance plus que du salut. Bien que les grands conciles du ive siècle se soient essentiellement consacrés à préciser le sens théologique de la Trinité et de la christologie, leur arrière-fond concerne toujours la sotériologie, la doctrine du salut, comme on le voit bien dans cette déclaration du symbole de Nicée-Constantinople : « Nous croyons en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non créé, d'une même substance que le Père, et par qui tout a été fait ; qui, pour nous[...]
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Écrit par
- André DUMAS
: pasteur, président du journal
Réforme - Jean PÉPIN : directeur de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études (IVe section)
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