SCIARRINO SALVATORE (1947- )
Après les disparitions de Donatoni en 2000 et de Berio en 2003, Sciarrino est devenu le plus important des compositeurs italiens en activité. Son œuvre figure parmi les plus originales de la fin du xxe siècle et du début du xxie : il existe véritablement un « son Sciarrino », immédiatement identifiable, dû à un traitement instrumental qui lui est spécifique.
Se refusant à une approche purement abstraite et formelle de l'écriture musicale – il s'oppose en cela au sérialisme –, Sciarrino s'est concentré sur le son, a trouvé ses modèles dans l'acoustique, dans une compréhension approfondie des phénomènes sonores afin d'ancrer son écriture dans la réalité de l'écoute, ses œuvres manifestant toujours une recherche logique des paramètres pertinents en matière de perception auditive.
Né à Palerme le 4 avril 1947, Salvatore Sciarrino se passionne très jeune pour la peinture. Il n'étudiera la musique qu'en autodidacte – un fait dont il sera toujours fier –, commençant à composer dès l'âge de douze ans. Son seul enseignement académique sera celui qu'il suivra en 1964 avec Turi Belfiore. Il approfondit ses connaissances à Rome, où il suit les cours de musique électronique de Franco Evangelisti à l'académie Sainte-Cécile (1969). Il enseigne au Conservatoire de Milan (1977-1982) et est directeur artistique du Teatro comunale de Bologne (1977-1980). En 1982, il décide de se retirer à Città di Castello (province de Pérouse), pour se consacrer quasi exclusivement à la composition.
Une constante s'impose à l'écoute d'une œuvre de Sciarrino : la place qui est accordée aux rapports entre le son et le silence, dont témoigne le titre d'une de ses pièces, Cantare con silenzio (« Chanter avec le silence »), pour chœur, flûte et percussions (1999). Sciarrino trouve sa voie à la fin des années 1960 en rompant avec le modèle sériel. Fasciné par un monde sonore ténu, il trouve alors cette couleur si particulière, faite d'un flot continu de sons, tissée de souffles, de bruits infimes, d'harmoniques, de petits groupes d'événements microscopiques formant un timbre global, élaboré avec une précision extrême et qui opère grâce à la grande attention que le compositeur accorde au travail de ses interprètes. Composé entre 1968 et 1970, ... da un divertimento est destiné à un double quintette, à vent (flûte, hautbois, clarinette, basson et cor) et à cordes (deux violons, alto, violoncelle et contrebasse) : les instruments à vent s'expriment le plus souvent par leur souffle même, et non pas par leur timbre habituel ; les cordes s'expriment de façon quasi exclusive par les harmoniques. Comme dans la plupart de ses pièces, la dynamique de ... da un divertimento est souvent très faible ; deux indications particulières à Sciarrino y accompagnent un très grand nombre de figures ou de sons isolés : « crescendo dal nulla » et « diminuendo al nulla » (crescendo et diminuendo à partir de zéro ou vers zéro). Tout se passe comme si l'inaudible formait le fond d'où les sons naîtraient ou dans lequel ils disparaîtraient. Une autre œuvre emblématique de cette démarche est Un'immagine di Arpocrate (1974-1979), un adagio de 45 minutes pour piano, orchestre et chœur.
Dans Let me die before I wake, pour clarinette solo (1982), et dans Il Motivo degli oggetti di vetro, pour deux flûtes et piano (1986-1987), l'intensité sonore est presque toujours faible, la dynamique variant entre le quadruple piano et le mezzo piano, les rares forte étant toujours nets. Ces deux pièces présentent deux façons différentes de mettre en forme la même conception d'un temps comme suspendu : la pièce pour clarinette se déroule dans un tempo tranquille et uniforme, la pièce pour flûtes et piano est dénuée de tout tempo ; le silence, qui n'interrompt que rarement[...]
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Écrit par
- Juliette GARRIGUES : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
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