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FRANCIS SAM (1923-1994)

Issue de la peinture abstraite de l'après-guerre, l'œuvre de Sam Francis est fortement caractérisée par ses enjeux spirituels mais aussi par une tendance à l'immatérialité physique. Les artistes qui influencèrent Francis à ses débuts, Clifford Still ou Mark Rothko, bien qu'engagés eux aussi dans une quête spirituelle, donnaient à leurs œuvres des qualités optiques – tracé, épaisseur, texture – ancrées dans la concrétude des éléments picturaux. On retrouvera cet intérêt pour la matérialité du champ coloré dans les premières grandes toiles de Francis, et ce n'est que peu à peu, et sans renier la présence du geste, de la surface, de la trace, qu'il s'acheminera vers des formes que l'on a qualifiées de diaphanes, de transparentes ou d'éthérées, mais dont on oublie trop souvent qu'elles sont le résultat d'un inlassable travail formel sur la matière picturale et son support. Parler de « travail » à propos des peintures de Francis, aux apparences si fluides et aériennes, loin d'être une contradiction, n'est que l'aboutissement du formidable corps-à-corps qui s'est déroulé tout au long de sa vie et lui a permis de conquérir l'immatérialité de sa peinture.

Samuel Lewis Francis est né le 25 juin à San Mateo, Californie. Durant sa jeunesse, il explore divers domaines : lectures de Melville, Blake, Shakespeare, Pound ; études de botanique à l'université de Berkeley (1941-1943), puis de médecine et de psychologie ; découverte de Jung. De 1943 à 1945, il est pilote dans l'U.S. Air Force. À la suite d'une blessure à la colonne vertébrale, il sera contraint de rester alité pendant presque trois ans. C'est dans cette position forcée qu'il commencera à peindre, suivant les cours particuliers de son ami David Park, professeur à la California School of Fine Arts. Emmené au Californian Palace of the Legion of Honor – sa première visite dans un musée –, il est fortement marqué par le Saint Pierre de Greco. Il expose pour la première fois (une aquarelle) à la soixante-sixième exposition annuelle de la San Francisco Art Association. En 1947, il termine sa convalescence à Carmel Valley dans une communauté de peintres. Il peint alors sa première œuvre abstraite. En 1948, il retourne à l'université de Berkeley pour étudier l'histoire de l'art et la peinture, et obtient un Master of Arts en 1950. La même année, il s'installe à Paris, où il rencontre des artistes américains qui vivent dans la capitale (Shirley Jaffe, Ruth Francken, Joan Mitchell), et commence la série des White Paintings. En 1951, il fait la connaissance d'Alberto Giacometti, Bram Van Velde, Pierre Schneider, Georges Duthuit ; l'année suivante, le critique Michel Tapié le fait participer à Signifiants de l'informel, exposition qui rassemble des artistes « tachistes ». Avec l'ensemble des Deep Series, les couleurs de ses toiles s'enrichissent, deviennent de plus en plus vives et intenses. Sa première exposition collective dans un musée, Tendances actuelles 3, a lieu en 1955 à la Kunsthalle de Berne, aux côtés de Bryen, Mathieu, Tobey, Wols, Michaux, Pollock, Riopelle. Il quitte Paris en 1957 et entreprend un voyage autour du monde, qu'il renouvellera en 1958, entre plusieurs expositions. C'est à partir de cette date que les cultures orientales imprègnent profondément son art et son existence. Plusieurs fois hospitalisé, à San Mateo en 1959, à Berne en 1961 pour une tuberculose des reins, il réalise alors des petits formats sur papier, encres, aquarelles et gouaches. Voyageur infatigable, il vit alors principalement entre New York, Paris, Tōkyō et la côte ouest des États-Unis. En 1965, il commence les Sail Paintings où l'espace blanc de la toile est encadré par des compositions colorées situées aux bordures du[...]

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Écrit par

  • : professeur en esthétique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art

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