PHILLIPS SAM (1923-2003)
La création du rock’n’roll, notamment de sa forme sudiste, le rockabilly, doit beaucoup au producteur Sam Phillips, fondateur des disques Sun et découvreur d'Elvis Presley, Carl Perkins, Jerry Lee Lewis, Johnny Cash et bien d'autres.
Cadet d'une famille très pauvre de huit enfants, Samuel Cornelius Phillips (né le 5 janvier 1923 à Florence, Alabama) passe des nuits entières à écouter les chanteurs et musiciens locaux, blancs et noirs, qui conjurent dans la musique leur malheur économique et psychologique. Son goût pour la musique le pousse à devenir disc-jockey à Memphis (Tennessee) en 1945 tout en travaillant sur la partie technique de sa station de radio, enregistrant des émissions sur acétates. À la recherche de talents, il réalise que Memphis danse et s'amuse au son des orchestres de rhythm and blues ou de honky tonk électriques et regorge d'artistes très populaires qui n'ont jamais enregistré de disque ; la ville n’a d’ailleurs plus été visitée par les compagnies de disques, alors toutes nordistes, depuis le début des années 1930.
En 1949, Sam Phillips crée donc le premier studio d'enregistrement de Memphis, Memphis Recording Service. Dans un premier temps, il ne fait qu'enregistrer et produire des artistes locaux qu'il essaie de vendre à des compagnies établies, découvrant ainsi plusieurs grands noms du blues comme B. B. King ou Howlin’ Wolf. La qualité des séances tient d'abord au fait qu'il ne se fie qu'à ses propres goûts. Il aime la musique qu'il a entendue dans son enfance, celle des juke joints et des pique-niques au bord du fleuve. Contre l’avis de tous, il enregistre les multi-instrumentistes Doctor Ross ou Joe Hill Louis, contraint Junior Parker à graver ses disques avec une formation dépouillée alors que le musicien souhaitait un grand orchestre avec cuivres. Et il forcera en 1954 un jeune camionneur nommé Elvis Presley à enregistrer accompagné d'une seule contrebasse et d'une guitare électrique.
Le système fonctionne tellement bien que Sam crée son propre label, d'abord The Phillips en 1950, puis Sun Records en 1951, sous lequel sortent désormais ses productions. Sam Phillips et sa secrétaire trouvent les artistes, les font répéter, les enregistrent eux-mêmes, pressent les disques et les distribuent ensuite au volant de leur camion aux disquaires, stations de radio et juke-boxes dans le triangle Memphis-Nashville-Birmingham. L’entreprise est modeste mais elle dure. Les musiciens viennent d'eux-mêmes. Ils savent que Sam va les écouter attentivement, qu'il les enregistrera probablement et qu'il sortira peut-être un disque d'eux. Après quelques petits succès locaux (Bear Cat par Rufus Thomas, Mystery Train par Junior Parker) qui attirent l'attention sur Sun au-delà du triangle originel, c'est vraiment le premier 45-tours d'Elvis Presley en juillet 1954 (That’s All Right, Mama ; Blue Moon of Kentucky) qui obtient un succès local, puis régional et enfin national.
Le succès du rockabilly (fusion de rock et de hillbilly), un terme inventé chez Sun pour qualifier ce nouveau western swing des jeunes gens du coin, est l'aboutissement d'une stratégie amorcée dès 1945 à Memphis par Sam. Dans cette optique, le rockabilly n'est pas vraiment une rupture dans la politique artistique de Phillips, c’est un débouché naturel.
Avec la structure toujours artisanale de Sun, et sans doute peu désireux de trop transformer sa vie, Sam Phillips ne peut pas gérer l'énorme succès d'Elvis Presley ; il cède en 1956 son contrat à RCA-Victor, qui, sous la houlette de Chet Atkins, fera du jeune chanteur la superstar que l'on connaît. Après un temps d'hésitation, Phillips vend même Sun à Shelby Singleton, un producteur de Nashville, et se retire de la musique, se consacrant à la chaîne d'hôtel Holiday Inn, dont il est[...]
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Écrit par
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