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SAMARCANDE

Timour et l'apogée de Samarcande (1220-1501)

Après 1220, pendant un siècle, Samarcande eut des souverains mongols non musulmans qui, au début tout au moins, protégèrent les chrétiens (nestoriens), comme le père et l'oncle de Marco Polo, en 1262-1269, purent le noter. En 1333-1335, c'est au tour d'un autre grand voyageur, Ibn Battuta de Tanger, de découvrir la cité légendaire et de décrire le sanctuaire de Qutham.

Samarcande n'avait donc pas attendu d'être l'élue de Tamerlan, l'émir Timour, pour renaître de ses cendres. Timour semble avoir été tenté de privilégier Shahr-i Sabz, berceau de sa famille, où il fit bâtir deux édifices gigantesques, le Palais blanc (Āq Sarāy) et ce qui devait être un sépulcre dynastique. Mais c'est Samarcande, mieux située, qui fut sa capitale à partir de 1370, jusqu'à sa mort au début de 1405, et il laissa une ville transfigurée par l'ampleur et l'audace de son projet. Le dernier tiers du xive siècle marque pour cette nouvelle Samarcande le début d'une période de splendeur qui se prolongea près d'un siècle sous les Timourides.

Timour modela une ville à partir d'un faubourg qu'il avait tout loisir de bouleverser. Or, comme pour les autres princes turco-mongols, sa capitale se confondait avec le camp mobile de l'armée. En établissant une citadelle au cœur de sa cité d'élection, Timour semblait déroger à cette règle. Mais le Kök Sarāy ou Palais bleu qu'il construisit dans la citadelle était un lieu d'intronisation, un dépôt et une prison, non une résidence. À Samarcande aussi, Timour s'installait aux marges de la ville, dans ses multiples jardins ou dans de somptueuses fondations funéraires.

C'est ainsi qu'à Samarcande, camp militaire et ville traditionnelle se juxtaposent et s'assemblent : citadelle avec son palais, enceinte, grande mosquée près d'une porte et du bazar, d'une part ; de l'autre, mausolées aux multiples dépendances, jardins où la cour réside sous des tentes et de légers pavillons, immenses parcs enclos, esplanades pour les exercices équestres... Ces splendeurs nous sont connues par les miniatures et la description de l'ambassadeur castillan Clavijo, reçu par Tamerlan à l'automne 1404. Une partie des mausolées a disparu, la citadelle avec son palais qui avait dû être fort remanié a été progressivement détruite au cours de l'occupation russe (à partir de 1868) puis par l'urbanisme soviétique, la Grande Mosquée était en ruines, il ne reste du bazar qu'une partie du plan et l'animation, les couleurs et les odeurs, éphémères et permanentes – l'essentiel peut-être. Tout cela n'est pas dû uniquement à la négligence des pouvoirs et au déclin de la ville, mais aussi à la hâte de la construction en briques abondamment revêtues de céramique, qui ne laissait guère de temps à la recherche de la solidité.

La Grande Mosquée était située en vis-à-vis de la fondation funéraire de la principale épouse de Timour : l'ensemble avait beaucoup plus d'ampleur qu'il n'y paraît aujourd'hui. La mosquée où l'on entrait par l'est comprenait, autour d'une vaste cour, des galeries latérales sud et nord à quatre nefs et, à l'ouest, une salle de prière transversale, à neuf nefs. Le tout rythmé par 480 colonnes, d'énormes coupoles, des porches jaillissant bien plus haut que les murs de l'édifice et des minarets ; et recouvert de calligraphies parfois entrelacées de motifs floraux ; un décor de céramiques turquoise, crème, carmin, contrastait avec l'ocre des briques, les bandeaux de marbre ; avec les jeux du soleil et de l'ombre au creux de ses grands arcs, l'édifice éblouissant était conçu aux dimensions d'un Empire et non d'une seule ville. Très dégradé, victime des tremblements de terre, il a été largement reconstruit depuis l'indépendance de 1991.[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, université de Paris-X-Nanterre

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Médias

Gengis khan à Boukhara - crédits : W. Forman/ AKG-images

Gengis khan à Boukhara

Le Registan, Samarkand - crédits :  Bridgeman Images

Le Registan, Samarkand

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