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SAMARCANDE

Le quattrocento des Timourides

Un autre petit-fils, Oulough (Ulug) Beg, qui gouverna Samarcande pendant la première moitié du xve siècle (de 1409 à son assassinat par son fils en 1449) hérita du goût de son grand-père pour le colossal : un lutrin de pierre, géant, dans la cour de la Grande Mosquée, l'arche énorme qui s'appuie sur le côté ouest du Gur-i Amir en témoignent. Oulough Beg installa définitivement le corps de son grand-père au Gur-i Amir ; il fit rédiger une épitaphe qui le reliait aux mêmes ancêtres mythiques, islamisés, que Gengis khan ; il procéda à des remaniements destinés à glorifier son grand-père (en modifiant l'entrée par un accès détourné et bas qui impose l'humilité au pèlerin) ; il réunit autour de lui sa lignée, n'hésitant pas pour cela à faire venir d'Hérat ou de l'Azerbaïdjan les cadavres de son père Shāh Rukh et de son oncle Mirān Shāh...

Le Registan, Samarkand - crédits :  Bridgeman Images

Le Registan, Samarkand

Mais plus que l'orgueil dynastique, c'est son œuvre d'astronome qui rend célèbre Oulough Beg ; ses tables astronomiques sont les plus précises qu'on ait établies par une observation à l'œil nu ; de son observatoire, il reste un quart de sextant excavé, conservé parce que souterrain ; et la ronde des planètes inspire le décor de la façade d'une très belle madrasa (école de théologie, ouverte éventuellement, comme c'était le cas ici, à d'autres sciences), seul reste de ses aménagements sur l'esplanade dite Registan.

Cependant des problèmes politiques, plutôt que l'obscurantisme du clergé comme le voulait la vulgate soviétique, valurent à Oulough Beg un sort tragique. Et son souci de précision astronomique était évidemment guidé par le souci, astrologique, d'établir les horoscopes les plus exacts. Ils lui auraient suggéré de se méfier de son fils.

C'est à un petit-fils de Mirān Shāh, Abū Sa'id, qu'échut en définitive Samarcande, de 1451 à 1469. On doit à sa première femme ce qui est sans doute le second mausolée dynastique de Samarcande, Ishrat Khāna ; par la discrétion de son décor, par son élégance joyeuse, par ses proportions humaines, il contraste avec le style grandiose des édifices de Timour, alors que son plan ramassé autour d'une salle centrale à coupole évoque l'un de ceux-ci, le mausolée d'Ahmad Yassavi, pour des effets tout différents. Ce genre d'édifices nous rappelle qu'ils sont faits pour la commémoration des morts, mais aussi pour la sérénité des vivants, ce que reflète bien le nom actuel de celui-ci, signifiant « la Maison du plaisir ».

Derrière les souverains se profilent avec constance les hommes de religion. L'un d'eux, Khodja Ubaydallah Ahrār, de la confrérie des Naqshbandi, fut à la fois un mystique, un politique influent et un homme d'affaires (mort en 1490). Ses descendants, depuis le sanctuaire établi à Samarcande autour du tombeau du fondateur, jouèrent un grand rôle pendant les deux siècles suivants au moins – et des habitants de Samarcande se réclament encore de cette prestigieuse ascendance.

Le dernier Timouride notoire à Samarcande fut le petit-fils d'Abū Sa'id, Bābur, qui faute de pouvoir se maintenir dans la cité de ses ancêtres conquit Kaboul (1504), puis Delhi (1526). Mais ceci est une autre histoire.

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Écrit par

  • : professeur des Universités, université de Paris-X-Nanterre

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Médias

Gengis khan à Boukhara - crédits : W. Forman/ AKG-images

Gengis khan à Boukhara

Le Registan, Samarkand - crédits :  Bridgeman Images

Le Registan, Samarkand

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