Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SAMBRE (dir. A. Géraud et M. Herpoux)

Article modifié le

L’humain au centre

Chronique cinglante d’une enquête bâclée, Sambre refuse pourtant de verser dans le pamphlet anti-institutionnel. À l’image des séries créées par l’écrivain et scénariste américain David Simon, à qui l’on doit The Wire (HBO, 2002-2008), l’humain y est dépeint dans toute sa diversité et sa sensibilité. L’enseignement qui en résulte n’en est que plus amer : même les esprits les plus brillants ne peuvent lutter contre l’ignominie. Cependant, il s’agit davantage dans Sambre de donner voix aux victimes, et même à leur bourreau, que de ménager le suspense d’une enquête dont on connaît d’avance le dénouement. En désignant un lieu (la région de la rivière Sambre) plutôt qu’une individualité, la série ne fait en réalité qu’élargir le spectre déjà exploré par Jean-Xavier de Lestrade dans des fictions antérieures comme 3 x Manon (Arte, 2014), Manon 20 ans (Arte, 2017) ou Laëtitia (France 2, 2020).

Même le genre policier, si prisé par la télévision française, agit comme un leurre : la série n’en scrute la veine procédurale que pour mieux la retourner contre elle-même. Aux manquements éthiques et méthodologiques de la police se mêle en effet un aveuglement lié à l’absence de recul, dont témoigne ce plan glaçant, qui place côte à côte le portrait-robot et le visage réel du violeur, d’une ressemblance si criante qu’elle devrait sauter aux yeux du brigadier Blanchot. Mais à force de côtoyer Salina en dehors de ses fonctions policières, l’agent a fini par perdre de vue l’envergure de l’enquête, celle-là même que s’efforceront de garder à l’esprit les observateurs extérieurs– dont deux archivistes de la police – qui se pencheront sur l’affaire dans les années 2000 et 2010.

À l’unité de lieu répond la multiplicité des époques et des protagonistes prenant part aux investigations et s’opposant successivement à leur piétinement. Le récit de Sambre prend toutefois soin de se focaliser sur les êtres tangibles et consistants que sont la première victime et son violeur, dont on suit la convalescence, pour l’une, et le lent délitement familial, pour l’autre. La minisérie combine par conséquent l’épisodique énoncé à la première personne (un point de vue par épisode) et le feuilletonnant choral (les viols successifs et leurs répercussions à long terme), en une synthèse transcendant toute allégeance à une formule qui se répéterait d’épisode en épisode. Au-delà de son cas d’étude, Sambre sonde l’humain dans ce qu’il a de plus ignoble, mais aussi de plus résilient, le tout sans triomphalisme.

— Benjamin CAMPION

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur en études cinématographiques et audiovisuelles, chargé de cours à l'université de Lille

Classification