JOHNSON SAMUEL (1709-1784)
Bien qu'il n'ait laissé en aucun genre une œuvre de premier plan, l'écrivain anglais Samuel Johnson, communément appelé le Dr Johnson, domine son siècle de sa réputation et de son autorité. Il a donné son nom à l'époque littéraire comprise entre les années 1740 et celle de sa mort, survenue en 1784. Polyvalent, il s'est néanmoins distingué par une critique qui annonçait les méthodes modernes.
Un polygraphe distingué
Samuel Johnson naquit à Lichfield (Staffordshire), où son père était libraire. Après des études au lycée de cette ville, il passa quatorze mois à Pembroke College, Oxford, mais quitta l'université sans y prendre son diplôme en 1729. Son père mourut peu après, le laissant sans ressources. Alors commença pour lui une carrière besogneuse de journaliste, d'essayiste, de traducteur, de compilateur. Il devint le type parfait de l'« homme de lettres », érudit, curieux, cultivé, soucieux d'ordre et d'élégance dans le style, capable d'écrire sur tous les sujets. Il collabora au Gentleman's Magazine, le plus célèbre périodique de l'époque, où il publia des essais et des poèmes, et se lança en 1747 dans la vaste entreprise de composer un Dictionary, qu'il réussit à publier en 1757, après dix ans de labeur acharné. Entre-temps, il écrivit une tragédie, Irène (que Garrick, son ami, fit jouer sans succès en 1749), son meilleur poème, The Vanity of Human Wishes (La Vanité des désirs humains), et, peu après, fonda un périodique, The Rambler (1750-1752), sur le modèle du Spectator d'Addison, où les articles des 208 numéros sont tous de sa plume. En 1759, il publia son unique roman, Rasselas, Prince of Abyssinia. Il en avait assez fait déjà pour régner désormais sur la vie littéraire de Londres.
En 1763, il rencontra l'Écossais James Boswell (1740-1795) qui, fasciné par sa puissante personnalité, devait s'attacher à ses pas, recueillir ses propos, et accumuler des notes pour composer son étonnante Life of Samuel Johnson (1791), le chef-d'œuvre des biographies. C'est à cette « vie » que Johnson doit une grande partie de sa réputation, encore qu'elle ne soit nullement « critique », mais parce qu'elle est si riche de traits, de détails, d'anecdotes, de boutades, que la figure du maître prend vie, s'illumine, et captive le lecteur. On y voit le grand homme pontifier au Club, qui tenait ses réunions à La Tête de Turc, dans Gerrard Street. On entend sa voix, on écoute ses moindres mots, on redoute ses boutades, on admire ses réparties. Le Dr Johnson est, dans sa conversation, semblable à ses écrits. Grave, pondéré, informé de tout, il profère comme des oracles, non sans un humour bien particulier.
Il poursuit inlassablement son immense labeur d'érudit, de critique, d'essayiste polygraphe. Il s'attaque, après Pope (1725), Théobald (1733) et Warburton (1747), à une édition de Shakespeare, avec une longue préface et des notes pour chaque pièce, publiée en 1765. Il compile une vaste édition de poètes anglais, pour chacun desquels il écrit une biographie critique – et ce seront ses célèbres Lives of the English Poets (1779-1781, Vies des poètes anglais). Il prend le temps d'un voyage en Écosse, que Boswell racontera dans Journal of a Tour to the Hebrides (1785, Journal d'une tournée aux Hébrides). Parvenu au faîte de sa gloire, mais malade et mélancolique à la fin de sa vie, il mourut à Londres. On lui fit l'honneur d'un tombeau à Westminster Abbey.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Henri FLUCHÈRE : doyen honoraire de la faculté des lettres et sciences humaines d'Aix-en-Provence
Classification
Média
Autres références
-
ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature
- Écrit par Elisabeth ANGEL-PEREZ , Jacques DARRAS , Jean GATTÉGNO , Vanessa GUIGNERY , Christine JORDIS , Ann LECERCLE et Mario PRAZ
- 28 170 mots
- 30 médias
Dans la seconde moitié du siècle, l'idéal classique s'incarne dans Samuel Johnson (1709-1784). Il jouit auprès des Anglais d'une position semi-légendaire qui rivalise presque avec celle de John Bull comme incarnation des traits essentiels du caractère britannique. L'Anglais typique, selon John Bailey,... -
BOSWELL JAMES (1740-1795)
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Frederick A. POTTLE
- 730 mots
Mémorialiste britannique né le 29 octobre 1740, à Édimbourg, mort le 19 mai 1795, à Londres.
Fils de lord Auchinleck, riche aristocrate, le jeune Boswell suit les enseignements de précepteurs privés. De 1753 à 1758, il étudie les arts, puis le droit à l'université d'Édimbourg. Envoyé par son père...
-
DICTIONNAIRE
- Écrit par Bernard QUEMADA
- 7 965 mots
- 1 média
...leurs colonnes et remplacer, ou compléter, les exemples succincts et anonymes. En Angleterre, faute de pouvoir faire appel à l'autorité d'une académie, Samuel Johnson (1755) avait dû emprunter aux grands écrivains de nombreuses citations. Il démontrait ainsi qu'un ouvrage non encyclopédique pouvait être... -
GOLDSMITH OLIVER (1728-1774)
- Écrit par Jean DULCK
- 1 030 mots
...Martheile de Bergerac, protestant condamné aux galères après la révocation de l'édit de Nantes, et collabore à divers journaux. Grâce à sa rencontre avec Samuel Johnson (1761) et à l'influence de ce dernier, il réussit à s'imposer dans le monde des lettres. Tout en continuant des travaux de polygraphie,...