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SILVESTRE DE SACY SAMUEL (1905-1975)

Écrivain, critique, éditeur, descendant de l'orientaliste Antoine Isaac Silvestre de Sacy (1758-1838), qui fut l'ami de Restif de la Bretonne, et d'un rédacteur au Journal des débats, devenu académicien, Samuel Silvestre de Sacy, qui héritait d'une solide tradition, avait si bien été nourri aux lettres dès son enfance qu'à sept ans il avait déjà une certaine idée de la littérature nouvelle et du Mercure de Franceet qu'il allait acheter de son propre chef les livres de Kipling dans la célèbre maison de la rue de Condé.

Une autre rencontre devait marquer son esprit : celle d'Alain, qu'il eut comme professeur en khâgne et dont il resta le plus fidèle des disciples. Cependant, la Sorbonne ne devait pas conduire ce fils de professeur à l'enseignement de la philosophie, ni même à la carrière universitaire. Administrateur des Services civils en Indochine, il allait être appelé à devenir l'un des adjoints du gouverneur général pendant la période la plus dramatique.

Ces années d'apprentissage de l'écrivain – il perdit d'ailleurs dans 1'aventure tous ses manuscrits – le préparaient à prendre, dès son retour à Paris en 1946, les fonctions de rédacteur en chef du Mercure de France. Douze ans après, il devait y ajouter la direction de la maison d'édition portant ce nom. Il la quitta en 1965 quand le Mercure changea de mains. Il avait aussi dirigé deux grandes collections de classiques : « Le Nombre d'or » au Club du meilleur livre et « Les Portiques » au Club français du livre.

À la tête du Mercure de France, Samuel Silvestre de Sacy rendit tout son lustre à la vénérable revue mauve, qui connut avec lui un moment de vitalité rajeunie et d'équilibre heureux, entre les traditions symbolistes et la littérature en train de se faire. Il sut appeler à lui les écrivains, les poètes, les critiques de la génération montante, tels Julien Gracq, Yves Bonnefoy, Gaétan Picon, Octave Nadal, Robert Mallet, Hubert Juin, Nicole Védrès. Il innova aussi en faisant, contrairement à l'usage, une place aux textes dramatiques. Il renouvela l'attention traditionnelle du Mercure aux littératures étrangères, en s'attachant à des écrivains encore peu connus en France, tel John Cowper Powys. Quand il prit en charge la maison d'édition, il l'ouvrit aux auteurs de la revue, cependant qu'après avoir contribué à obtenir de Claudel la publication de Partage de midi il entreprenait de rééditer l'œuvre poétique et romanesque de Pierre Jean Jouve, se vouait à celle de Raymond Schwab et de Victor Segalen. Dans ses deux collections du Club du meilleur livre et du Club français du livre, il donnait l'impulsion à des éditions de classiques qui font date par l'éclairage nouveau apporté aux œuvres, celles notamment de Molière et de Baudelaire.

Mais pour Samuel Silvestre de Sacy, cette fonction d'animateur ne pouvait être l'essentiel. S'il fut un éditeur hors du commun, c'est qu'il était d'abord éditeur au sens noble : ses propres éditions de grands textes restent exemplaires. Celle des Essais, d'abord, qui renouvelle la lecture de Montaigne. Par le simple mais bon usage de la typographie, il réussit à offrir pour la première fois un texte où soient immédiatement lisibles les différents états du livre, sans que le mouvement soit interrompu ou ralenti. Complétant son ouvrage par la publication du Journal de voyage, Silvestre de Sacy a donné ainsi un Montaigne total et vivant. Non moins notable est l'édition qu'il a présentée des Œuvres complètes – y compris l'œuvre scientifique – de Descartes. Pour ce qui est des modernes, Silvestre de Sacy restera auprès d'une nouvelle génération l'introducteur décisif d'Alain : à preuve le volume qu'il a donné dans la collection de La Pléiade, en rassemblant la masse[...]

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