PUFENDORF SAMUEL VON (1632-1694)
Après des études à Leipzig et à Gênes, Pufendorf rédige en 1661 ses Elementaria jurisprudentiae universalis, ouvrage qui lui vaut l'octroi par l'Électeur palatin Charles Louis d'une chaire d'enseignement du droit naturel et du droit des nations à Heidelberg. Sous le pseudonyme de Severinus De Monzambano, il fait paraître en 1667 La Constitution de l'Empire germanique (De statu imperii germanici), écrit qui provoque maintes controverses. Invité par le roi Charles XI à venir professer à l'université de Lund en Suède, il y écrit le célèbre Du droit de la nature et des gens (De jure naturae et gentium, 1672) et le De officiis hominis et civis juxta legem naturalem (1673), présentation résumée du premier. Historiographe et conseiller aulique du roi de Suède, il rédige une histoire de la Suède en latin et en allemand, en 1682. Appelé à Berlin en 1688, il devient historiographe de l'Électeur de Brandebourg et rédige une histoire du Grand Électeur Frédéric-Guillaume. Dans le De habitu religionis christianae ad vitam civilem (1687), il proposera sa conception des relations idéales entre Église et État. D'humble origine — Pufendorf est fils de pasteur luthérien —, il n'a été anobli que plus tard, en conséquence de ses travaux et services. Il est connu pour avoir développé des conceptions originales de la sociabilité naturelle, de la loi naturelle, du pouvoir souverain et, plus encore, pour sa théorie du double contrat.
Dans le De jure naturae et gentium, l'auteur développe, en s'inscrivant dans la suite directe d'Aristote et des stoïciens, l'idée d'une sociabilité naturelle de l'homme. Il en discerne deux aspects : d'une part il y a sociabilité en ce que l'homme prend conscience de l'identité de nature qui existe entre lui-même et autrui, et n'apporte soutien et aide à celui-ci que parce qu'il est son semblable ; c'est sur la « conformité d'une même nature » que s'appuie la bienveillance humaine, ce que Pufendorf désigne comme « cette amitié générale » qui, parce qu'établie par la nature entre les hommes, leur est bénéfique. D'autre part, existe une moindre forme de sociabilité : l'intérêt, mode de relation distinct du premier mais qui en dérive « car la Nature en nous ordonnant d'être sociables, ne prétend pas que nous nous oubliions nous-mêmes ». Par cette théorie, Pufendorf va à l'encontre de Hobbes, refusant l'opposition établie par celui-ci entre un « état de nature » (ou de guerre sociale et de désordre) et une « vie sociale » (ou état de vie en société policée) ; dans le Manuscrit de Genève et dans le Discours sur l'origine de l'inégalité, Rousseau ira à son tour contre Pufendorf et, montrant que le droit naturel trouve sa source dans l'amour de soi et la pitié — « deux principes antérieurs à la raison » —, exclura la notion de sociabilité du droit naturel.
Liée à l'idée de sociabilité naturelle, Pufendorf développe la conception d'une loi naturelle qu'il distingue des lois révélées et des lois positives. Les lois naturelles forment, avec les lois révélées, l'ensemble des lois divines, Dieu ayant établi en tant que créateur les lois naturelles en sa sagesse et fait connaître les secondes en sa bonté. La théorie du droit naturel repose ainsi sur l'affirmation de l'existence d'un ordre moral universel, d'une règle de justice immuable, antérieure, indépendante et supérieure aux lois civiles. La loi naturelle est avec les lois divines une donnée première pour l'homme : produite par Dieu pour ses créatures, elle a la force de la droite raison, l'universalité de la règle connaturelle aux hommes, et possède une parfaite efficience ; enfin « par un effet admirable de la sagesse du Créateur, les lois naturelles se trouvent tellement proportionnées à la nature[...]
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Écrit par
- Yves SUAUDEAU : éditeur, fondateur d'Ouest Éditions
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