Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SAN ou BOCHIMANS

Article modifié le

Croyances et manifestations artistiques

Les enfants sont choyés, mais les familles nombreuses sont rares, car les femmes n'acceptent pas d'avoir un second enfant avant que le premier ne puisse suivre sa mère à la marche pendant les longs déplacements qui caractérisent la vie bochimane. Deux enfants à porter rendraient la récolte impossible. Comme les femmes ne connaissent pas de moyen anticonceptionnel, elles se résignent à l'infanticide, de leur propre autorité ; elles accouchent d'ailleurs toutes seules dans le veld.

À la puberté, les filles sont confinées dans une petite hutte, et une danse de toute la bande marque l'événement. Pour les garçons, les rites de passage sont plus complexes, car nul n'est adulte, s'il n'est chasseur : il leur faut donc avoir tué un gros animal, dont un peu de chair sera insérée dans leur visage au moyen de scarifications.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

La religion des Bochimans est difficile à connaître car elle n'a pas de rituel précis ; elle a été influencée par celle des Bantous, et les Européens qui l'ont étudiée ont été tentés de l'interpréter en fonction de leur propre monothéisme.

Les Bochimans enterrent leurs morts, avec tous les objets qu'ils possédaient, dans la position où ils dorment, couchés sur le côté et les genoux repliés. Il n'y a pas chez eux de culte organisé des ancêtres ; cependant ils croient à la survie de l'âme, le plus souvent dans un paradis d'abondance. En plus de l'âme, il y a le fantôme qui apparaît parfois aux vivants, mais ne peut causer beaucoup de mal.

Les corps célestes, lune, soleil et étoiles, apparaissent dans de nombreux contes mythologiques. Les Bochimans leur adressent des prières afin d'obtenir le succès à la chasse et l'apaisement de la faim. La lune est le plus souvent invoquée.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

La mythologie bochimane relate les aventures d'êtres surnaturels, dont le principal est la Mante. Au Lesotho, elle était considérée comme le créateur de toutes choses ; des prières lui étaient adressées pour l'acquisition de nourriture par la chasse et la cueillette. L'idée d'un créateur unique semble assez répandue. Les Kung croient en deux dieux, le Grand, créateur et omnipotent, et le Petit qui lui est subordonné ; ni l'un ni l'autre ne sont associés à l'idée du Bien ou du Mal : chacun des deux peut apporter des biens, tels que le gibier ou la pluie, mais aussi la maladie et la mort ; les morts sont emportés au ciel où ils servent le Grand Dieu.

La seule manifestation religieuse des Bochimans paraît être la danse cérémonielle de guérison. Les Kung croient en un pouvoir magique, institué par le Grand Dieu dans le corps des guérisseurs, et activé par la danse et les chants. À peu près tous les hommes de cette communauté sont guérisseurs ; ils ne sont pas possédés par un esprit, mais manifestent leur pouvoir surnaturel au cours des danses : ils entrent en transe, s'approchent des malades, les massent afin de prendre en eux la maladie, et la rejettent au loin en poussant des cris. Le guérisseur en transe est protégé par les autres hommes, qui l'empêchent de se faire du mal. Les femmes chantent et battent des mains. Danses et chants sont rythmés avec une précision et une ferveur telles que ceux qui y participent se sentent unis et plus forts ; la peur est oubliée et le pouvoir de résistance au mal est renforcé, arraché à la divinité beaucoup plus qu'imploré.

Aujourd'hui, la musique, la danse et le mime sont les seuls arts des Bochimans. Bien qu'ils aient perdu jusqu'au souvenir de la peinture, de nombreux témoins les ont vus, encore récemment (1870), tracer sur des rochers des fresques polychromes au moyen de minéraux broyés et mélangés à de la graisse animale. Aussi les milliers de gravures et peintures rupestres découvertes en Afrique du Sud leur ont-elles été attribuées, jusqu'au jour où, à cause de leur ressemblance avec les peintures préhistoriques d'Espagne orientale et du Sahara, des préhistoriens accordèrent à certaines d'entre elles une antiquité de plusieurs millénaires. Un problème de datation se pose donc, qui a été débattu avec passion, et qui n'a pu être résolu. La question la plus controversée fut l'âge de la fameuse «  Dame Blanche » du Brandberg, dans le Sud-Ouest africain, l'une des centaines de fresques relevées par l'abbé Breuil ; celui-ci la fait remonter non pas à une très haute antiquité comme les plus anciennes, mais à environ 1 000 ans avant notre ère. Le style, que le célèbre préhistorien compare à celui de la Crète ou de l'Égypte, et l'aspect du personnage central, à peau blanche et à nez droit, ne seraient explicables que s'il s'agissait de l'œuvre d'un groupe de Méditerranéens venus là, avec leurs femmes, pour récolter l'or ou l'ivoire. Cette interprétation a été critiquée par d'autres archéologues qui n'accordent à la « Dame Blanche » que quelques centaines d'années, et l'interprètent plutôt comme l'image d'un jeune garçon herero ou hottentot, blanchi au kaolin pour la cérémonie de l'initiation, pratique courante dans cette partie de l'Afrique.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

Il est certain que les Bochimans ont représenté, parfois avec maîtrise, des scènes de chasse, de guerre et de la vie domestique, des vols de bétail, des danses et des événements mythologiques. D'où la valeur de ces fresques, témoins de leur passé. Bien qu'aucune datation certaine n'ait pu être faite, il paraît établi que certaines peintures qui ont été trouvées associées avec des squelettes de Bochimans sont contemporaines du dernier âge sud-africain de la pierre. Les Bochimans auraient donc perpétué jusqu'au xixe siècle un art préhistorique vieux de plusieurs millénaires ; des contacts culturels entre ces peintres et ceux de l'Afrique orientale, du Sahara et du Levant espagnol ne sont pas invraisemblables.

Les qualités artistiques des peintures sud-africaines ont été maintes fois reconnues : exactitude de l'observation ; maîtrise des ombres, du modelé, du raccourci ; mouvement et diversité. Les personnages humains apparaissent comme des silhouettes animées ; chez les animaux, la structure musculaire est respectée. Les chasseurs des temps passés et plus heureux avaient assez de loisirs pour exprimer par la peinture leurs joies, leurs craintes, leurs espoirs.

— Jacques MAQUET

Accédez à l'intégralité de nos articles

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'université de Californie à Los Angeles

Classification

Autres références

  • AFRIQUE (Structure et milieu) - Géographie générale

    • Écrit par
    • 24 463 mots
    • 27 médias
    ...Botswana (Kalahari) et de Namibie. Ils se répartissent en deux groupes : les San, chasseurs-cueilleurs qui parcouraient le bush et furent baptisés pour cela Bushmen (Bochimans en français)  ; les Khoi-Khoi, ou Hottentots, éleveurs nomades. Ces populations se distinguent généralement par une petite taille,...
  • DÉSERTS

    • Écrit par , , et
    • 20 890 mots
    • 16 médias
    ...assez giboyeuses ou relativement fertiles, et s'il fut jadis pratiqué au Sahara c'est que ce désert n'était pas aussi rigoureux qu'il l'est à présent. Les Boschimans, réfugiés dans le Kalahari après la colonisation européenne, se déplacent eux aussi par petites troupes partageant eau et nourriture, mais...
  • HABITAT

    • Écrit par
    • 2 782 mots
    • 1 média
    ...construits. Mais ce qui fait la spécificité de l'habitation humaine, c'est qu'elle est d'abord signification et ensuite seulement réponse à des « besoins ». Les Bochimans du Kalahari décrits par E. Marshall Thomas ne construisent que rarement des abris couverts au cours de leurs déplacements. « Ils plantent quelques...
  • HOTTENTOTS

    • Écrit par
    • 1 413 mots
    • 1 média
    Du point de vue physique, les Hottentots sont très proches des Bochimans : peau brun-jaune, yeux écartés, cheveux « en grains de poivre », stéatopygie et macronymphie ; ils sont toutefois un peu plus grands (deux moyennes de stature masculine ont été observées : 162,4 et 160,1 cm).
  • Afficher les 11 références

Voir aussi