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SAN CARLO DE NAPLES

Fiché en plein centre de la ville, bordé par une rue très encombrée de voitures, le Teatro di San Carlo de Naples ne frappe guère l'imagination par sa façade monumentale, en dépit de la colonnade blanche qui borde le grand foyer, à l'étage supérieur. Mais, comme à la Scala de Milan, dès qu'on pénètre dans sa vaste salle, on est ébloui par l'harmonie des proportions d'un espace pourtant considérable (mille cinq cents places aujourd'hui mais trois mille cinq cents au xixe siècle !), par la magnificence de la décoration, entièrement rouge et or, avec ses six étages de loges qui semblent flamboyer dans leur encadrement de girandoles lumineuses, mais aussi par la très belle fresque du plafond peinte par Giuseppe Cammarano, bien visible du fait de l'absence du traditionnel lustre (la lumière provient uniquement des centaines d'appliques qui ceinturent la salle).

Sa construction a été décidée en 1734 par le vice-roi de Naples et de Sicile Charles III de Bourbon, afin de remplacer le Teatro San Bartolomeo, devenu vétuste, trop exigu et inadapté au développement rapide de l'opera seria qui règne alors à Naples. La volonté clairement affichée est d'en faire l'opéra le plus beau et le plus vaste du monde – ce qu'il demeurera longtemps. Sa splendeur doit aussi symboliser la puissance des Bourbons, quelque peu malmenés par le joug autrichien.

Bâti en deux cent soixante-dix jours par Giovanni Antonio Medrano et Angelo Carasale, il est inauguré le 4 novembre 1737 avec un opéra de Domenico Natale Sarro sur un livret de Métastase, Achille in Sciro. Flanquant le Palais royal, auquel il est relié par un corridor qui permet au souverain de gagner le théâtre sans sortir, ce nouvel opéra se caractérise par une vaste salle en fer à cheval, cent quatre-vingt-quatre loges – qui sont dépourvues de rideaux afin que nul n'échappe au regard du roi – et une somptueuse loge royale. Sa scène de trente-trois mètres de largeur et trente-quatre mètres de profondeur, son parterre de vingt-neuf mètres de largeur et vingt-deux mètres de profondeur, sa riche décoration en font bien alors le plus grand et le plus beau théâtre d'Europe.

Dès 1737, le San Carlo affirme sa suprématie sur tous les autres théâtres italiens non seulement par son aspect mais aussi par la qualité musicale de ses créations, notamment du fait de la présence inédite d'un orchestre permanent de quarante-deux musiciens (vingt-quatre violons, six altos, deux violoncelles, trois contrebasses, deux hautbois, deux trompettes...), effectif porté à cinquante-deux dix ans plus tard et sans cesse augmenté par la suite. L'encadrement des chœurs est d'emblée très important ; les chefs d'orchestre, soigneusement choisis, héritent d'importantes responsabilités, et la troupe de chant, recrutée très rigoureusement, se situe elle aussi à un niveau exceptionnel. L'intendant du théâtre, Domenico Barbaja, crée même une fonction de « directeur musical », qu'il confiera en 1815 à... Rossini !

En 1812, le théâtre, qui avait déjà subi des réaménagements dès 1777, est agrandi et modifié, à la demande de Joachim Murat, monté sur le trône de Naples en 1808. C'est à Antonio Niccolini, alors scénographe du théâtre, que sont confiés cet agrandissement ainsi que l'élaboration d'une nouvelle façade ; pour cette dernière, l'architecte décide de combiner un soubassement massif en bossage, servant de passage couvert, avec une colonnade abritant la loggia du grand foyer et un fronton couronné d'un groupe sculpté évoquant Parthénope, la Naples ancienne.

Point de mire de la vie lyrique, ce théâtre, qui attire, le renom de Rossini aidant, les mélomanes de l'Europe entière, va connaître une terrible catastrophe le 12 février 1816 : il est emporté par un immense brasier dont seul l'avant-corps[...]

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Écrit par

  • : licence de lettres et sciences humaines, maîtrise de lettres modernes, concepteur et présentateur des émissions musicales classiques de France-3 et R.T.L.

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