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SAN GUO ZHI YANYI

L'œuvre de Luo Guanzhong : un tournant dans le développement de la littérature romanesque

Quoi qu'il en soit, il est peu douteux que le San Guo shi pinghua ait directement servi de cadre à l'amplification de Luo Guanzhong, identifiable à un un dramaturge du xive siècle originaire du Shanxi. L'œuvre primitive effectue un « grand bond » puisque, presque décuplée, elle passe au xive siècle à quelque 750 000 caractères. Les sources orales et les versions dramatiques ont été mises à contribution. Mais Luo a surtout voulu revenir aux données de la chronique officielle, n'assumant que le simple titre d'éditeur pour laisser à Chen Shou celui d'auteur, comme le montre la plus ancienne édition connue du grand roman, celle de 1522. Le romancier n'en renonce pas pour autant à ses droits. L'enflure épique du texte populaire est ramenée à des proportions raisonnables , elle n'est pas supprimée : ainsi, là où Zhang Fei, « à la voix de grosse cloche », brisait d'un cri le pont où l'attendaient ses ennemis, Luo se contente de la terreur s'emparant des chevaux et des hommes qui tombent morts, la rate éclatée. Certes le savoureux prologue du pinghua disparaît sans contrepartie : un lettré prend à partie le juge des enfers, le remplace et rétablit la justice par la loi de rétribution qui explique les événements des Trois Royaumes. Mais l'aprocryphe serment de fraternité du jardin aux pêchers est conservé, réunissant dès les premières pages les trois héros : le vannier Liu Bei, le cabaretier-boucher Zhang Fei et Guan Yu en fuite pour avoir perpétré le meurtre d'un tyranneau de village. Les sociétés secrètes s'appuieront sur ce précédent fameux pour opposer la solidarité horizontale de leurs membres aux hiérarchies de l'ordre établi. Unis pour combattre une rébellion, celle des Turbans jaunes, les trois compagnons s'en montrent de curieux défenseurs : le bouillant Zhang Fei met en morceaux les mandarins qui traitent avec morgue ces sans-grade. La version populaire leur fait même prendre le maquis, d'où la cour ne les fera sortir qu'en leur présentant la tête d'eunuques détestés. Ces invraisemblances, Luo ne les élimine que pour tisser un récit plus complexe que celui auquel la forme orale pouvait prétendre. Il en résulte un glissement de perspective : alors que le « héros » du pinghua semble incarné par l'impétueux Zhang Fei, celui du roman-fleuve serait le quatrième compagnon du trio, le prudent Zhuge Liang, encore qu'il n'apparaisse qu'au 37e chapitre, pour ne mourir il est vrai qu'au 104e, longtemps après ses compagnons, Zhang Fei ayant disparu dès le 81e. Le récit des intrigues et combats ne s'en poursuit pas moins jusqu'à la réunification de la Chine au 120e et dernier chapitre.

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-VII, responsable de la section d'études chinoises à l'université de Bordeaux-III

Classification

Autres références

  • TROIS ROYAUMES LES & DYNASTIES DU NORD ET DU SUD LES (220-589), Chine

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    • 993 mots
    • 2 médias

    Les appellations de Trois Royaumes et de Dynasties du Nord et du Sud (respectivement sanguo et nanbeichao) s'appliquent à la période de fragmentation de la Chine allant de 220 à 589. Héritage de la désagrégation des Han, la division tripartite du début oppose le Wei (220-265) en Chine du Nord...