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SÁNCHEZ COTÁN fray JUAN (1560-1627)

Né à Orgaz, une bourgade des monts de Tolède, Sánchez Cotán étudia la peinture avec le Tolédan Blas del Prado. Cet artiste, de tradition maniériste, était surtout apprécié comme peintre de fleurs.

En 1603, la quarantaine passée, Sánchez Cotán entre chez les chartreux. Apparemment, cette vocation n'est pas la conséquence d'une crise intérieure, mais l'épanouissement d'une piété profonde. Elle n'établit pas de rupture dans une création artistique qui se poursuit dans l'isolement monastique. Simplement, le peintre s'adonne désormais à peu près exclusivement à l'art religieux.

On le trouve successivement à Grenade et au Paular, le puissant monastère installé dans la solitude de la sierra de Guadarrama, puis à nouveau à Grenade. Il ne quittera plus cette dernière maison jusqu'à sa mort. Il y peint une série de scènes de la vie du Christ pour l'église et le réfectoire, et une véritable chronique de l'ordre des Chartreux pour les galeries du cloître et les salles voisines.

Ces toiles manifestent, d'une manière souvent cruelle, les limites de son art. Peu apte à créer des formes, il s'applique à répéter des attitudes apprises. Ses paysages s'inspirent de gravures septentrionales. Sa gamme claire et douce manque d'accent. Cependant, dans des compositions simples, on voit parfois se glisser des éléments empruntés à la vie quotidienne et traités avec amour. C'est notamment le cas pour Le Repos pendant la fuite en Égypte, où un fromage prêt à être taillé voisine avec un morceau de pain sur une belle nappe blanche.

<it>Bodegone</it>, Juan Sánchez Cotán - crédits : Don de Anne R. et Amy Putnam,  Bridgeman Images

Bodegone, Juan Sánchez Cotán

Ces natures mortes introduites dans des scènes religieuses évoquent d'autres natures mortes, formant à elles seules l'objet d'un tableau, les célèbres bodegones de Sánchez Cotán, que le xxe siècle a redécouverts avec émerveillement après les expositions des Floreros y bodegones en la pintura española (Madrid, 1935) et de La Nature morte de l'Antiquité à nos jours (Paris, 1952).

Ici règne un ténébrisme très rarement présent dans la peinture religieuse de Sánchez Cotán. Les objets disposés isolément — légumes, fruits, pièces de gibier — et vivement éclairés se détachent sur un fond sombre. Cet aspect pose un double problème : celui des rapports avec le caravagisme, qui n'a pas encore reçu une solution pleinement satisfaisante, et celui de la signification des œuvres. Pour Charles Sterling, les bodegones de Sánchez Cotán seraient davantage que de brillants trompe-l'œil. Ils posséderaient une véritable valeur spirituelle et mystique. Sánchez Cotán a joué un rôle historique considérable. Il a suscité toute une école dans le domaine de la nature morte et il a préparé d'une certaine manière la venue de Zurbarán.

— Marcel DURLIAT

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Écrit par

  • : professeur émérite d'histoire de l'art à l'université de Toulouse-Le-Mirail

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Média

<it>Bodegone</it>, Juan Sánchez Cotán - crédits : Don de Anne R. et Amy Putnam,  Bridgeman Images

Bodegone, Juan Sánchez Cotán

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  • NATURE MORTE

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    ...et d'autres encore se cantonnent avec plus ou moins d'originalité aux formules internationales de la table servie et de la corbeille de fruits, avec J.  Sánchez Cotán et Zurbarán (Poteries, musée du Prado) s'impose un style d'une rigueur et d'une sobriété sans précédent, dont la géométrie essentielle...