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BONNAIRE SANDRINE (1967- )

Sandrine Bonnaire est la septième d'une famille modeste de onze enfants. Née à Gannat (Auvergne), le 31 mai 1967, elle passe son enfance à Grigny, dans l'Essonne, où elle obtient un CAP de coiffure. Sa carrière cinématographique naît à son insu un jour de 1982, lorsqu'elle accompagne deux de ses sœurs au casting des Meurtrières. Le projet de Maurice Pialat restera inabouti mais, lorsqu’il réalise l'adaptation des Filles du faubourg – d'après les souvenirs d'Arlette Langmann – qui deviendra À nos amours (1983), il reprend contact avec l'adolescente de quinze ans. Les essais sont plus que concluants. Certes, Sandrine Bonnaire a déjà tenu des rôles de figuration dans La Boum 2 (1982) et dans Les Sous-Doués en vacances (1982), mais le premier personnage qu'elle incarne véritablement est bien celui de Suzanne dans À nos amours. Elle se montre capable de traduire à l'écran des sentiments contradictoires : une certaine fragilité, la tendresse parfois, mais aussi un esprit frondeur, qui n'accepte pas plus les diktats de la famille que ceux d'une morale largement dépassée.

Une présence rebelle

L'actrice semble avoir été plongée dès sa naissance dans le bain du cinéma comme d'autres dans le « chaudron magique », expliquera Pialat. Sa spontanéité, son jeu simple et immédiat, où l'effort ne se trahit jamais, rappelle deux qualités rares et indispensables chez un acteur de cinéma : la présence et l'évidence, et lui valent le césar du meilleur espoir féminin. Sa relation avec Pialat est très forte. D'autant qu'il interprète dans le film le rôle du père de Suzanne, la seule personne au sein de la famille avec qui elle s'entende. Mais la méthode « Pialat » est difficile, et les relations de Pygmalion et de sa Galatée ne sont pas toujours au beau fixe. Elle refuse le rôle qu'il lui propose dans Police (1985), se trouvant trop âgée, mais tient néanmoins un second rôle dans le film. Toujours au côté de Gérard Depardieu, elle sera une magnifique Mouchette dans Sous le soleil de Satan (1987), un de ses rôles préférés.

Alors qu'on la voyait presque comme l’actrice d'un seul rôle – une sorte de prolongement un peu plus déluré du « nouveau naturel » des années 1970 –, elle refuse de se prêter au jeu en mêlant à son naturel quelque chose de fier, de sulfureux, de lumineux aussi, comme l'héroïne de Georges Bernanos. En la choisissant pour incarner Jeanne d'Arc (Jeanne la Pucelle I et II, 1994), et plus tard le personnage de Sylvie dans Secret défense (1998), Jacques Rivette remarquera que rares sont les actrices se tenant aussi droit.

Sandrine Bonnaire trouve sans doute dans ses origines familiales cette plasticité et cette fermeté de caractère qui l'ont fait apprécier d'un vaste public à travers les aventures télévisuelles de Margaux Dampierre, héroïne de deux miniséries télévisuelles, Une femme en blanc (1997) et La Maison des enfants (2003), d’Aline Issermann d’après les romans populaires de Janine Boissard. Ces téléfilms lui ont sans doute également permis de travailler avec les meilleurs réalisateurs du cinéma français.

Son tempérament la rapproche d'une famille de cinéastes que l'on pourrait qualifier de personnels, durs, révoltés, qui lui offrent ses rôles les plus marquants, l’aidant à façonner une image qui aurait pu la marginaliser : le personnage de Mona, la vagabonde rebelle de Sans toit ni loi, d'Agnès Varda (1985), lui vaut un second césar. Elle entre dans un univers de tourments, de sentiments torturés et exacerbés chez Jacques Doillon (La Puritaine, 1986) et André Téchiné (Les Innocents, 1987). Deux films plus que singuliers, parmi d'autres, marquent encore cette période : Peaux de vaches (1988), « western picard » de Patricia Mazuy, et le très beau film[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

Classification

Autres références

  • PIALAT MAURICE (1925-2003)

    • Écrit par
    • 1 746 mots
    ...eux-mêmes la seule façon d'être et d'agir... Parfois aussi, le miracle de la vraie « première fois » se produit, avec la découverte d'une immense actrice, Sandrine Bonnaire, la Suzanne d'À nos amours. Plus que l'intrigue ou la perfection du montage, le corps de l'acteur est au cœur de l'œuvre de Pialat....
  • SOUS LE SOLEIL DE SATAN, film de Maurice Pialat

    • Écrit par
    • 989 mots
    ...aussi fervent et humble, donc aussi crédible et émouvant, « se donnant » à un texte comme le personnage se donne à son destin après avoir beaucoup douté. Sandrine Bonnaire (révélée par Pialat dans À nos amours, en 1983) est remarquable, bien qu'un peu trop adulte et charnelle pour incarner la Mouchette...