BOTTICELLI SANDRO (1445-1510)
L'art de Botticelli, étonnamment personnel, d'une subjectivité intense, est, en même temps, le plus profondément accordé au climat de ce « siècle d'or » florentin évoqué par Vasari au début de la biographie qu'il lui consacre. Botticelli ne connaît pas l'épanouissement heureux de Raphaël, l'insatisfaction tourmentée de Léonard, les angoisses ou les triomphes de Michel-Ange. Mais l'originalité de son œuvre est dans la réaction d'une sensibilité constamment en éveil devant les êtres et les choses, devant les événements, les suggestions, les rêves qui s'affrontent et se succèdent au cours d'une carrière apparemment sans histoire.
Disciple de Filippo Lippi
L'apprentissage à Florence et les premières œuvres
Alessandro di Mariano di Vanni Filipepi, dit Sandro Botticelli, est né à Florence l'année même où le palais Médicis sort de terre. Michelozzo, qui en est l'architecte, poursuit en même temps la construction du couvent de Saint-Marc, dont Fra Angelico décore les cellules ; Brunelleschi, un an avant sa mort, dirige les premiers travaux de Santo Spirito ; Andrea del Castagno entreprend les fresques de Sant'Apollonia et Paolo Uccello, dans le « cloître vert » de Santa Maria Novella, crée deux de ses œuvres les plus impressionnantes, Le Déluge et Le Sacrifice de Noé.
Le milieu où s'écoule l'enfance de Botticelli n'est pas celui de ces maîtres que protègent les Médicis et les grands Florentins qui forment leur entourage : son père est un modeste tanneur du borgo Ognissanti. Mais le petit monde qui est le sien est en relation constante avec celui des artistes de métier. Les travaux entrepris à Florence sous l'impulsion des Médicis, la construction et le décor des églises, des couvents, des palais rassemblent sur les mêmes chantiers les menuisiers, les marqueteurs, les ciseleurs, les peintres et les sculpteurs.
Sandro se révélant décidément rebelle à l'étude (« il apprenait tout ce qu'il voulait, dit Vasari, mais refusait de s'appliquer à l'écriture, à la lecture et au calcul »), son père le confie à l'un de ses amis qui est orfèvre. Pour Botticelli, cet apprentissage est une étape décisive : orfèvres et peintres entretenaient alors des rapports étroits (c'est encore Vasari qui l'écrit) : le jeune garçon découvre la peinture, se passionne, et décide son père à le laisser suivre sa vocation ; il devient l'élève d'un frère carme plus ou moins en rupture de ban, Fra Filippo Lippi. Mais son œuvre de peintre restera marquée par cette première formation dans l'atelier d'un orfèvre : c'est là sans doute qu'il acquiert le goût des motifs « ciselés », le sens du trait incisif et délié, qui donnent une précision étrange à ses évocations les plus immatérielles.
Aucun document ne permet d'identifier à coup sûr les œuvres que Botticelli peignit chez Filippo Lippi. Mais dans la série des Vierge à l'Enfant visiblement dérivées des compositions du maître (Vierge à l'Enfant, à la National Gallery ; Madone des Guidi de Faenza, au Louvre), on peut distinguer plusieurs peintures où semblent affleurer les traits qui caractérisent les œuvres ultérieures de Botticelli : d'une part, une nuance de mélancolie, d'angoisse contenue dans l'expression attendrie de la Vierge contemplant son fils, qui donne un accent nouveau au thème élaboré par Donatello et si souvent traité après lui par les artistes florentins ; d'autre part, une insistance sur le contour, un souci du relief, du modelé, tout à fait étrangers à l'art de Filippo Lippi. Botticelli n'a certainement pas ignoré les travaux des peintres sculpteurs dont les ateliers étaient alors les plus actifs de Florence, Antonio del Pollaiuolo et Verrocchio. Leur influence est très nette dans la première œuvre[...]
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Écrit par
- Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE : critique d'art
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