BOTTICELLI SANDRO (1445-1510)
La Sixtine
Peintures mythologiques pour les Médicis
Botticelli, dès maintenant, fait partie du cortège de leurs protégés et de leurs amis. Il a peint, l'année précédente, une Pallas sur l'étendard de Julien, le frère du Magnifique, pour une joute fameuse dont il sortit vainqueur. En 1478, après la conjuration des Pazzi et l'assassinat de Julien, Botticelli représente, sur le mur de la Douane, près du Palais Vieux, le châtiment des conjurés. À la même époque, il réalise pour un petit-neveu de Cosme, Lorenzo di Pierfrancesco, la première d'une série de compositions mythologiques, l'une des plus célèbres, l'une de celles où s'exprime le mieux la sensibilité de son imagination : Le Printemps. Les textes contemporains permettent d'en déchiffrer le symbole : c'est l'apparition merveilleuse des dieux protecteurs évoqués par les humanistes florentins autour du jeune Laurent, le « règne de Vénus » décrit par Politien, « royaume où se complaît la grâce, où Zéphyr, lascif, vole derrière Flore, où l'herbe verte fleurit ». Botticelli peint sur ce thème un jardin de rêve, où toutes les fleurs de Toscane s'épanouissent comme sur une tenture médiévale, tandis que la souplesse des lignes, l'ondulation des gestes suggèrent le rythme lent d'une chorégraphie quasi rituelle dont la qualité même du style accentue l'irréalisme. La subtile calligraphie suscite une interprétation personnelle et sensible du thème philosophique, en même temps qu'elle illustre, presque littéralement, les préceptes énoncés quarante ans plus tôt par Alberti : « J'aime voir les chevelures... s'enroulant en volutes comme pour se nouer, et ondoyant dans l'air, semblables à des flammes qui tantôt s'entremêlent à la manière des serpents, tantôt s'élèvent et se dispersent. »
L'inspiration religieuse
Botticelli ne reprendra que dix ans plus tard, toujours pour les Médicis, les thèmes inspirés de la mythologie. Le succès qu'il connaît à Florence lui impose de se consacrer essentiellement à la peinture religieuse. Là encore, une réaction toute personnelle devant le sujet, et en même temps le besoin d'en rechercher le sens le plus profond, le plus secret, donnent à ses œuvres un pouvoir expressif singulier. Il suffit, pour s'en rendre compte, de comparer le Saint Augustin qu'il peint en 1480 à l'église d'Ognissanti et le Saint Jérôme de Ghirlandaio, exécuté la même année, pour la même église. Celui-ci n'ajoute rien à l'image traditionnelle, élaborée par les peintres flamands, du pieux docteur dans son cabinet de travail minutieusement représenté. Botticelli, au contraire, a montré, dit Vasari, « la concentration, la subtilité aiguë qui est celle des intellectuels constamment absorbés par la réflexion sur les idées les plus hautes et les plus ardues ». Alors que Botticelli, pour autant que nous le sachions, fait ici probablement ses premières armes comme peintre de fresques, Ghirlandaio a déjà acquis une expérience et une réputation certaines en ce domaine : il a travaillé à Ognissanti dès 1472, à la collégiale de San Gimignano en 1475 et, la même année, il est allé décorer à Rome la bibliothèque de Sixte IV. Il sera tout naturellement parmi les artistes que le pape fera venir en 1481 pour réaliser les fresques de la chapelle qui porte son nom et dont la construction s'achève. Parmi les autres artistes chargés de l'entreprise, le Pérugin lui aussi a déjà travaillé à Rome pour Sixte IV. Mais Botticelli, comme Rosselli, le plus âgé du groupe, avait eu jusque-là une carrière purement florentine. Il n'en est pas moins arrivé à la pleine maturité de son talent. Le pape, en le choisissant, fut peut-être guidé par le désir d'être agréable aux Médicis avec lesquels il venait de se réconcilier après les[...]
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Écrit par
- Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE : critique d'art
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