BOTTICELLI SANDRO (1445-1510)
Les thèmes néo-platoniciens
L'atelier florentin
Celui-ci, en 1481, part pour Milan où l'appelle Ludovic le More. Botticelli retrouve à Florence son atelier, ses élèves, dont le nombre s'accroît, ses clients qui lui demandent surtout des Madones et des tableaux de dévotion. Ses travaux à Rome lui ont acquis pourtant une nouvelle réputation comme fresquiste : il reçoit, pour le palais de la Seigneurie, la commande d'un décor qu'il n'exécutera pas. Un peu plus tard, Laurent de Médicis le charge de peindre, avec Filippino Lippi et ses anciens compagnons de la Sixtine le Pérugin et Ghirlandaio, une série de compositions mythologiques, aujourd'hui détruites, dans une villa qu'il possédait près de Volterra. Pour juger donc de l'activité de Botticelli fresquiste durant cette période, il nous reste les scènes allégoriques de la villa Lemmi, maintenant au Louvre : une jeune femme recevant les dons de Vénus et des Grâces, un adolescent introduit dans le cercle des Arts libéraux. Pour illustrer ces thèmes néo-platoniciens, Botticelli, infiniment plus libre dans son expression qu'il ne l'était à la Sixtine, retrouve par la sérénité des compositions, par l'accord subtil des couleurs claires, l'atmosphère de grâce et de poésie qui est celle du Printemps. Il revient d'autre part aux compositions mythologiques. Après Mars et Vénus où l'on a vu parfois une allusion aux amours de Julien de Médicis et de Simonetta, il peint Minerve et le Centaure, symbole de la sagesse triomphant de la violence et du désordre : la robe de la déesse est semée d'anneaux surmontés d'un diamant, l'un des emblèmes médicéens. La Naissance de Vénus enfin, exécutée comme Le Printemps pour Lorenzo di Pierfrancesco, illustre un sujet antique bien connu, l'Aphrodite Anadyomène d' Apelle, décrite par Pline, puis par Politien. Botticelli y trouve le point de départ d'une évocation merveilleuse, soutenue par des modulations graphiques d'une virtuosité incomparable. L'attitude de la déesse est celle de la Vénus pudique souvent représentée dans la statuaire antique. Mais Botticelli lui a donné le visage de ses Madones, et celui de ses anges aux zéphyrs qui la poussent vers le rivage.
Vers l'irréalisme
Dans les grands retables qu'il peint à la même époque, l'acuité d'observation, le souci d'un certain réalisme dans l'individualisation des personnages ont cédé peu à peu la place à une stylisation presque maniériste qui vise, semble-t-il, à libérer la représentation de références terrestres trop précises pour la hausser au niveau idéal de la vision mystique. Sur le tableau de La Vierge à l'Enfant entre les deux saints Jean, peint en 1485, le visage de l'Évangéliste est buriné comme celui d'un vieillard dont la vie a été consacrée à l'étude et à la réflexion. Son compagnon, émacié, anguleux, est un ermite surgi du désert. L'année suivante, Botticelli prêtera ses traits au centaure dompté par Minerve, car les êtres qu'il peint deviennent ses propres créations, les habitants de son univers particulier. Dans le Retable de San Barnaba, un peu postérieur, le profil de sainte Catherine est celui d'une jolie Florentine, qui évoque à la fois la Vénus du tableau de Londres et la jeune femme recevant les dons des Grâces, sur la fresque du Louvre. Mais, dans l'ensemble, le tableau indique une évolution : le canon des figures s'allonge, les regards se perdent dans un rêve intérieur.
Pour Le Couronnement de la Vierge, peint sans doute vers 1488, pour l'autel de la corporation des orfèvres à Saint-Marc, Botticelli adopte une composition plus dépouillée : quelques éléments de paysage remplacent à l'arrière-plan la puissante architecture des tableaux de San Barnaba ; les attitudes des quatre saints, celles de[...]
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Écrit par
- Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE : critique d'art
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