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PENNA SANDRO (1906-1977)

Né à Perugia, Sandro Penna passe sa jeunesse dans sa ville natale et y étudie la comptabilité, avant de s'installer, en 1929, à Rome, où il demeurera durant la majeure partie de son existence. Il envoie alors ses premières poésies à Umberto Saba, qu'il n'a jamais rencontré : c'est à l'amitié du poète triestin qu'il doit leur parution en revue, en 1932. Exaltant plus ou moins explicitement l'amour homosexuel, ces textes devront affronter la censure, avant d'être réunis, non sans hésitations, dans le volume Poesie (1939). Une écriture sensuelle et raffinée y dépeint, par touches impressionnistes, les joies intenses, les plaisirs et les solitudes d'une marginalité revendiquée. Après avoir brièvement exercé à Milan en tant que commis de librairie, le poète publie un second recueil, Appunti (1950), où il accorde une plus grande place au thème de la mémoire et aux images furtives d'un univers violent.

Collaborant à quelques revues et quotidiens pour subsister, il édite un volume de proses, riche en allusions autobiographiques, Arrivo al mare (1955), puis le recueil Una strana gioia di vivere (Une étrange joie de vivre, 1956), qui explicite la charge vitale propre à sa poésie, loin de la virtuosité rythmique de ses débuts. Le rapport à la réalité citadine et populaire, qui est la sienne, se fait plus immédiat, tandis que des réflexions proches de la méditation retracent une prise de conscience décisive, reflet d'une nouvelle maturité. L'ensemble de sa production est ensuite réuni dans Poesie (prix Viareggio 1957), volume qui connaît un plus grand écho grâce, notamment, à Pasolini. Une surprenante ambiguïté se dégage désormais de l'alternance imprévisible entre l'inspiration érotique et une veine angoissée et esthétisante, comme en atteste Croce e delizia (1958), où les joies de la vie sensorielle sont contemplées à distance. Par un langage limpide, qui le distingue de ses contemporains, Penna transcrit l'expérience d'une vie exclusivement privée et affirme la grâce simple d'images réalistes, et parfois naïves, saisies dans leur instantanéité.

Après douze années de pauvreté et de silence, l'édition de l'anthologie Tutte le poesie (1970) lui vaut un regain d'intérêt de la part d'un public plus vaste. Ses récits, rédigés depuis les années 1940, sont alors réunis dans le recueil Un po' di febbre (Un peu de fièvre, 1973). À travers les places, les cafés et les cinémas, se déploie le rapport intense et fébrile que le poète entretient avec les figures mouvantes de jeunes adolescents, ouvriers ou marins rencontrés au hasard de la flânerie, et avec les objets concrets du quotidien. Stranezze (1976) regroupe ensuite ses derniers poèmes, reflétant de troublantes similitudes thématiques et formelles avec sa production antérieure, qui lui font craindre de paraître répétitif. Face à une grande variété de phénomènes naturels, le poète exprime pourtant un émerveillement égal, à la fois divin et charnel. Après sa mort, des textes dispersés seront réunis dans les recueils Il rombo immenso (1978) et Confuso sogno (1980). Un choix de ses dernières poésies sera proposé en français dans Une ardente solitude (1989).

Le douloureux retrait de Penna vis-à-vis de la vie publique, et une certaine tendresse que sa poésie reflète à l'égard de la misère humaine, alimenteront le mythe d'une « sainteté », bâti par Pasolini autour de son œuvre et de son existence démunie. Si cette image de poète maudit, dont l'originalité est aussi sulfureuse, paraît aujourd'hui un peu exagérée, son écriture simple aborde cependant les plaisirs et les souffrances, et surtout, les rêves et la réalité d'une expérience marginale, avec une déroutante continuité, illustrant une poétique résolument moderne. Cesare Garboli s'est efforcé de mettre en lumière l'originalité de cette[...]

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Écrit par

  • : DEA de littérature italienne contemporaine à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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