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SANTÉ Économie de la santé

Santé et échec du marché : légitimation de l'intervention publique

L'économie de la santé se distingue des autres disciplines, comme l'épidémiologie, avec lesquelles elle partage un même constat critique d'une absence de relation entre progression des dépenses de santé dans les pays développés et amélioration effective de la santé publique, par le fait de s'inscrire dans un cadre construit de références théoriques. Dès les premiers articles fondateurs (ceux de S. J. Mushkin en 1958, K. J. Arrow et H. E. Klarman en 1963), les économistes se sont posé la question de l'existence ou non d'une « spécificité » des biens et services visant à améliorer ou restaurer l'état de santé. Ils ont pour la plupart répondu oui à cette question en considérant que les biens de santé étaient effectivement « différents des autres ».

Sur le plan international, l'écrasante majorité des économistes de la santé en ont déduit qu'une organisation efficiente et équitable des systèmes de santé ne pouvait majoritairement reposer sur le recours aux marchés privés, et qu'une intervention régulatrice forte de la puissance publique s'avérait indispensable. La justification de l'« échec du marché » ou de son incapacité à fournir une solution optimale à l'organisation de la production et de la consommation de soins repose sur deux types d'arguments : la présence d'externalités et de biens collectifs, d'une part, les asymétries d'information et leurs incidences contractuelles, d'autre part.

Externalités et biens collectifs

Une première raison d'échec du marché n'est pas propre au secteur de la santé et se retrouve dans d'autres domaines, comme l'environnement ou bien encore la sphère financière. Elle tient à l'existence d'externalités négatives et positives. On parle d'externalités chaque fois qu'un agent économique (individu ou entreprise) entreprend une action qui affecte directement d'autres agents, mais pour laquelle il ne paie ni ne reçoit aucune indemnisation (de son point de vue, l'impact de son action demeure donc « externe »). Les maladies transmissibles constituent, avec les pollutions de l'environnement, des exemples typiques d'externalités négatives. À l'inverse, une certaine catégorie de biens, appelés biens collectifs, représente un cas extrême d'externalités positives. Ces biens se caractérisent par le caractère non exclusif (leur consommation par un individu n'empêche pas les autres agents d'utiliser ce bien) et non privatif (il est très coûteux d'empêcher un individu de les utiliser) de leur consommation. La recherche en général, et plus particulièrement la recherche fondamentale dont les avancées peuvent donner lieu à une vaste gamme d'applications dans divers secteurs, présente un caractère de bien collectif : les profits privatifs que les entreprises peuvent en retirer, même avec un système de brevets garantissant un monopole temporaire sur l'exploitation d'une invention, demeurent limités au regard des avantages que les avancées de la connaissance scientifique procurent à l'ensemble des autres agents et donc à la collectivité. Certains biens, comme les vaccinations, ne présentent pas toutes les caractéristiques d'un bien collectif à l'état « pur » (le fait de se faire vacciner s'apparente à un bien privé), mais produisent néanmoins des externalités positives (les personnes non vaccinées verront leur probabilité de contamination diminuer également). Il est avéré qu'en présence d'externalités négatives, l'allocation par le marché est inefficace dans la mesure où l'agent qui est à leur origine n'est pas incité à prendre en considération la totalité des coûts sociaux qu'il engendre ; de même, les marchés privés auront tendance à fournir les biens collectifs en quantité insuffisante.[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, université d'Aix-Marseille, directeur de l'UMR 912 Sciences économiques et sociales de la santé et traitement de l'information médicale

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