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SANTÉ Économie de la santé

Santé et calcul économique : apports et limites de la logique utilitariste

La spécificité du secteur de la santé (externalités, asymétries d'information) justifie qu'on le prive de l'instrument automatique d'évaluation de la qualité et de l'utilité des biens produits que constituent les marchés concurrentiels et qu'on organise l'essentiel du financement des soins au travers d'un mécanisme collectif d'assurance-maladie, comme c'est le cas dans la plupart des pays développés. La contrepartie inévitable de ce choix est que les risques de mauvaise utilisation des ressources sont plus élevés dans ce secteur et les incitations à une meilleure utilisation plus difficiles à définir.

Les analyses coût/efficacité et coût/bénéfice des stratégies médicales et sanitaires

Dans les secteurs d'activité dont la régulation échappe pour partie au marché, le calcul économique formalisé, dont l'outil de référence est l'analyse coût-bénéfice, permet de comparer des usages alternatifs des ressources et d'identifier les stratégies qui maximisent le « surplus social net », c'est-à-dire la différence entre les coûts et les avantages totaux pour la collectivité. Les revues scientifiques d'économie de la santé, mais également les grandes revues biomédicales (Lancet, New England Journal of Medicine, etc.) publient un nombre sans cesse croissant d'évaluations qui utilisent différentes méthodes inspirées de l'analyse coût-bénéfice pour comparer des stratégies préventives, diagnostiques ou thérapeutiques, en mettant en relation les résultats sanitaires obtenus avec les ressources (monétaires ou non) consommées pour y parvenir. Selon les cas, ces applications du calcul économique pourront pointer la persistance, voire la diffusion, dans le système de santé, de pratiques à l'efficacité discutable, promouvoir à l'inverse des innovations médicales favorisant des gains d'efficience, ou bien faire ressortir en quoi des mécanismes de gestion, dont certains de ceux mis en place au nom d'un objectif de maîtrise des dépenses, peuvent conforter des choix discutables sur les seuils d'investissement collectif en santé.

Dans les études de type « bénéfice-risque », des activités de prévention et de soins dont le ratio bénéfice-risque est négatif, c'est-à-dire dont le bénéfice sanitaire est inférieur au risque iatrogène (risque de morbidité et de mortalité induit par les procédures médicales elles-mêmes) qu'elles font courir, sont un gaspillage inutile des ressources. L'appréciation de ce ratio sur le plan individuel ne pose aucune difficulté : le dépistage radiologique de la luxation congénitale de la hanche chez le nourrisson inflige à ce dernier une irradiation inutile puisque son apport diagnostique est nul et devrait donc être éliminé. L'appréciation de ce ratio peut néanmoins susciter des débats sur le plan collectif, dès lors que les groupes de population qui bénéficient d'un programme de santé ne sont pas identiques à ceux qui vont éventuellement faire les frais des risques qu'elle implique. À l'échelle de la population, les campagnes de vaccination de l'hépatite B en milieu scolaire ont fait la preuve de leur efficacité. Mais le soupçon d'effets neurologiques indésirables de ce vaccin – même si ceux-ci sont extrêmement rares, non véritablement démontrés, et sans commune mesure avec les gains de santé obtenus dans l'ensemble de la population couverte – peut suffire aux yeux des opposants de principe à la vaccination pour réclamer son abandon.

Dans les approches dites de minimisation des coûts, l'objectif est de déterminer la façon de produire au moindre coût des biens et services dont l'efficacité sanitaire a été démontrée. Lorsqu'un traitement est au moins aussi efficace[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, université d'Aix-Marseille, directeur de l'UMR 912 Sciences économiques et sociales de la santé et traitement de l'information médicale

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