SANTÉ ET ENVIRONNEMENT
La construction humaine d'un environnement inquiétant
Depuis la Seconde Guerre mondiale, la perception des risques que l'environnement fait ou ferait courir à la santé a profondément changé, en même temps que des risques nouveaux sont apparus – qui pensait au nucléaire ou aux phtalates avant 1940 ? – et que la notion d'environnement s'est écartée de celle de nature. C'est moins cette dernière elle-même qui inspire désormais des craintes que les conséquences des actions humaines sur l'environnement dit naturel. On se trouve en face de risques nouveaux souvent objectifs, dont on cherche à pallier les effets par la définition de normes, et de risques plus difficiles à cerner, peut être inexistants, mais qui paraissent d'autant plus inquiétants qu'ils touchent à la notion de pollution de l'environnement au sens général. La crainte que ces risques inspirent ne dépend pas d'ailleurs vraiment des connaissances que l'on possède à leur propos, la subjectivité joue un rôle dominant dans les attitudes.
Les catastrophes industrielles
Si l'implantation d'usines a été longtemps à l’origine du développement des espaces urbains, des accidents sur ces sites industriels urbains ou périurbains ont montré de manière répétitive la dangerosité de la cohabitation. En juillet 1976, une explosion dans l'usine de Seveso, en Italie, libère plusieurs kilogrammes de dioxine dans l'atmosphère et contamine le sol. Les effets immédiats sur l'écosystème local sont accablants. La dioxine est un des composants de l'agent Orange utilisé au Vietnam comme défoliant, avec, semble-t-il, des effets persistants sur la population (malformations des membres lors du développement in utero). En décembre 1984, l'explosion à Bhopal, en Inde, d'une usine fabriquant de l 'isothiocyanate de méthyle, un précurseur toxique d'insecticides, libère 40 tonnes de ce gaz dans l'atmosphère : environ 20 000 personnes décèdent des suites de l'exposition et environ 150 000 souffrent de lésions diverses évolutives. En avril 1986, l'explosion d'un réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, se solde par la libération dans l'atmosphère d'un nuage chargé en radionucléides – en particulier des isotopes radioactifs de l'iode, du césium et du strontium –, dont la propagation déclenche une panique nucléaire. Si l'on met de côté les décès par irradiation directe – qui font toujours débat quant à leur nombre, avec des estimations fort diverses selon les sources –, il est certain que l'exposition à ces radionucléides est au moins responsable d'un excès de pathologies thyroïdiennes (dont les cancers) chez les enfants au voisinage du site et jusqu'en Biélorussie. L'incidence de la catastrophe de Fukushima au Japon (2011) sur la santé humaine, hors les cas d'irradiation directe, n'est pas encore analysable actuellement.
Bien entendu, il s'agit là d'accidents exceptionnels dont la prise en compte a abouti à une réglementation renforcée concernant l'implantation (directive Seveso, par exemple) et la sécurité des installations et de leurs rejets. Leur gravité, tout comme le constat que le respect des normes n'est pas aussi strict qu'on le souhaiterait (Fukushima), a entraîné la suspicion des populations autour de nombreux établissements industriels, en particulier chimiques et nucléaires, et une exigence forte de suivi et d'information.
Si ces événements ont eu un retentissement mondial particulièrement fort, reste que les accidents industriels sont fréquents et souvent dramatiques : usine AZT de Toulouse, incendie de l’usine Lubrizol à Rouen, explosion de nitrate d’ammonium à Beyrouth, etc. Certains sont lourds de conséquences à terme, comme autour des[...]
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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