SANTÉ ET ENVIRONNEMENT
Développement économique et maladies environnementales
Le paludisme à Plasmodium falciparum, la forme la plus dangereuse de cette maladie humaine, est dû à un parasite sanguin dont on est presque certain qu'il provient du gorille. Ainsi, il y a dix mille ans environ, l'agent infectieux serait passé du singe à l'homme, lors de piqûres par des diptères infectés sur le premier. La causalité physique serait ici le défrichement des terres, opération nécessaire lors du passage de l'économie du chasseur-cueilleur à celle de l'agriculteur néolithique. L'infestation des Amériques par P. falciparum est liée quant à elle à la traite esclavagiste. Nombre de maladies sont émergentes parce que l'homme a pénétré des lieux où elles sévissaient ou a modifié un écosystème (déboisement, reboisement par exemple), ce qui a permis la colonisation du milieu par de nouveaux animaux vecteurs. D'autres exemples d'activités humaines interférant avec l'environnement naturel sont tirés des conséquences infectieuses en aval des grands barrages, comme la bilharziose en Égypte ou en Chine du Sud. En d'autres termes, l'environnement naturel peut être source pour l'homme de pathologies graves lorsqu'on le modifie ou simplement lorsqu'on le pénètre en méconnaissance de cause. La pandémie de Covid-19 a ainsi attiré l’attention sur les risques associés au commerce d’animaux sauvages et fait prendre conscience de la chaîne de contamination animale responsable du passage à l’homme. La rapidité des communications et la multiplication des déplacements amplifient dans nombre de cas une maladie locale en lui donnant éventuellement une dimension internationale : le dernier cas en date est ici encore la pandémie de Covid-19 qui a essaimé à partir de la Chine centrale vers le reste du monde en moins de deux mois, mais c’était déjà le cas pour la grande pandémie de peste de la fin du xixe siècle. Le problème de la responsabilité humaine dans la manifestation et la dissémination de maladies bactériennes, virales et parasitaires liées à l'environnement est reconnu. Il y est maintenant répondu par un système d'alerte international qui limite effectivement certains risques d'émergence comme dans le cas des virus grippaux, mais qui a été mis en échec par la Covid-19. L'ensemble des normes et des règlements mis en place pour limiter les risques pour la santé est cohérent et évite certainement une majorité d'effets pathogènes.
Cette cohérence ne doit pas faire oublier le fait que les modifications humaines de la nature dont on cherche à contrôler les effets sont presque invariablement délibérées et répondent à une demande, que cette demande soit naturelle ou créée de toutes pièces. Cela est particulièrement clair en ce qui concerne le domaine agroalimentaire. La logique du mode de vie occidental moderne exige le recours à des substances et à des procédures sans lesquelles les désirs individuels ou collectifs ne pourraient être satisfaits à un coût accessible pour le plus grand nombre. En outre, l'exigence de développement économique et de profit fragilise le respect de l'usage des normes, par ignorance ou surtout par calcul. La complexité de la relation entre la santé et l'environnement fait ainsi apparaître une sorte d'antagonisme entre le développement de l'économie contemporaine et l'exigence de santé ou, du moins, de moindres risques pour les populations. Il n'est pas hasardeux d'avancer que le jeu complexe des relations entre le développement et la santé n'est peut-être pas si vertueux qu'on le souhaiterait.
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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