SANTÉ Le système de santé français
Le parcours de soins
En 2000, l'O.M.S. dressait un palmarès des systèmes de santé de ses 191 États membres. La France y figurait en première position. Bien que critiquable et critiqué, ce classement avait le mérite de distinguer un pays de haut niveau de santé, ayant su préserver un système de couverture sociale parmi les plus souples et les plus égalitaires de l'hémisphère Nord. Pourra-t-on en dire autant dans vingt ans ? Peut-être pas, car la réforme de l'assurance-maladie instituée par la loi du 13 août 2004 met fin à ce qui faisait l'originalité française : une assurance-maladie fondée sur la solidarité, qui laissait au patient la liberté de consulter les praticiens de son choix, aussi souvent qu'il le voulait. En d'autres termes, chacun était libre d'organiser son parcours de soin comme il l'entendait, au risque de multiplier parfois des consultations inutiles et des examens redondants (15 p. 100 des examens selon la C.N.A.M. – Caisse nationale d'assurance-maladie –, soit un surcoût de 1,5 milliard d'euros).
En instaurant le principe du médecin traitant, clé de l'accès aux spécialistes, et en prévoyant la tenue d'un dossier médical partagé, la loi française du 13 août 2004 relative à l'assurance-maladie visait à organiser de manière plus rationnelle les soins pour parvenir à une meilleure maîtrise des dépenses de santé. Plusieurs pays européens se sont déjà lancés dans cette voie. À lire la Convention nationale des médecins, qui avalise ces nouvelles règles et que trois syndicats médicaux ont signée le 12 janvier 2005, les objectifs sont clairs : améliorer la coordination des différents intervenants, « gage de la qualité des soins », mais avec le souci « de préserver, voire d'améliorer, les conditions d'accès aux soins des assurés » et de garantir la liberté de choix des patients « à toutes les étapes de la démarche qui est proposée ». Or, sur chacun de ces points, la nouvelle loi pourrait aller dans un sens opposé à leurs vœux. En effet, la notion de parcours de soins marque un tournant dans la philosophie du système de santé français en entérinant l'existence de deux modes de consommation médicale et en restreignant le libre choix. Sur le plan de l'accès aux soins, cela risque d'accentuer les inégalités et d'engager la France sur la voie d'une médecine à deux vitesses, déjà à l'œuvre dans de nombreux pays.
Le risque d'une médecine inégalitaire
Une médecine à deux vitesses ? Des freins à un libre accès aux soins existaient déjà pour les personnes ne bénéficiant pas d'une assurance complémentaire généreuse. Ils étaient représentés notamment par le ticket modérateur (fraction des soins non remboursée par la Sécurité sociale) et par les dépassements d'honoraires pratiqués par les praticiens inscrits en secteur 2 (pouvant aller jusqu'au double, en principe, du montant des honoraires en secteur 1).
Payer un dépassement n'est pas toujours un choix pour les patients, car bien qu'un tiers seulement des spécialistes exercent en secteur 2, dans certains départements et dans certaines spécialités il peut être très difficile de trouver un praticien en secteur 1. Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie a évalué, en 2007, le montant annuel des dépassements d'honoraires à dix milliards d'euros. En moyenne le reste à charge s'élève à 410 euros par an pour chaque assuré, et à 260 euros hors dépassement d'honoraire. Cette somme reste entièrement à charge pour près de 10 p. 100 des ménages (8,5 p. 100 selon l'enquête Santé-Protection sociale de l'Irdes, 2007), ceux qui n'ont pas de mutuelle et ne bénéficient pas de la couverture maladie universelle complémentaire (C.M.U.C.).
À ces[...]
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Écrit par
- Chantal GUÉNIOT : docteur en médecine
- Jean-François NYS : directeur de l'Institut universitaire professionnalisé management et gestion des entreprises, université de Limoges
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Médias
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