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SANŪSIYYA ou SENOUSSIYA

Idris I<sup>er</sup> de Libye, 1952 - crédits : Horace Abrahams/ Keystone Features/ Hulton Royals Collection/ Getty Images

Idris Ier de Libye, 1952

Fondée en 1837 par Muḥammad ibn ‘Alī as-Sanūsī (1787-1859), la confrérie musulmane de la Sanūsiyya (ordre des Senousis ou Senousites) s'implanta d'abord en Cyrénaïque, par où s'explique son rôle dans l'histoire politique de la Libye, pour étendre ensuite son influence jusqu'en Afrique centrale. À la mort de son fondateur, le mouvement fut dirigé par le fils de ce dernier, Muḥammad al-Mahdī, et eut pour centre, pendant près de quarante ans (1859-1895), Jaghbūb, d'où il rayonna par l'intermédiaire de nombreuses zāwiya : 45 en Cyrénaïque, 31 en Égypte, 27 dans le Ḥidjaz, 18 en Tripolitaine, 15 dans le Fezzān, 6 à Kofrā, 14 au Soudan. Il en vint à inquiéter à la fois le sultan ottoman ‘Abd al-Ḥamīd (qui essaiera ensuite d'annexer le mouvement senousite) et les puissances occidentales, si bien que al-Mahdī transféra le zāwiya mère à Kofrā (1895) puis à Gouro (1898) et enfin à Kanem, où un affrontement avec les troupes françaises entraîna la défaite des senousites (1902) et l'arrêt de leur expansion. Après la mort de al-Mahdī (1902), le nouveau chef de la confrérie, Aḥmad ash-Sharīf, organisa la résistance, dans le Sud, contre la pénétration française (Gouro, Oudai, Tibesti, Borkou), puis, dans le Nord contre l'invasion italienne (1911). Condamné à l'exil en 1918, ash-Sharīf (mort en 1933) fut remplacé par le petit-fils d'as-Sanūsī, Muḥammad Idrīs al-Mahdī, qui fut écrasé en 1931 par les Italiens, avant de devenir roi de Libye, lorsque fut proclamée en 1951 l'indépendance du pays. Il fut renversé en 1969 par la junte que conduisait le colonel Kadhafi.

Comme dans tous les ordres ou confréries islamiques, la zāwiya joue son rôle essentiel dans la structure de la Sanūsiyya ; mais elle devient, pour cette dernière, le centre d'un pouvoir théocratique qui gouverne les collectivités locales ainsi que les tribus avoisinantes et gère leur vie économique et sociale. Les zāwiya senousites, dont la plus petite comptait cinquante habitants et la plus grande, celle de Jaghbūb, environ un millier, avaient chacune à sa tête un chef, al-moqaddam, entouré d'un conseil, et étaient soumises au pouvoir suprême du grand shaykh, Sanūsī ou son successeur. Essentiellement agricoles, ces communautés possédaient parfois des domaines fort étendus : en Cyrénaïque, la Sanūsiyya détenait environ un demi-million d'hectares. Les terres étaient cultivées par les adeptes du mouvement, avec l'aide de la population qui devait fournir annuellement à la zāwiya trois journées de travail : pour le labour, pour les semailles et pour la moisson.

La Sanūsiyya possède les structures de toute confrérie religieuse traditionnelle : le maître de l'ordre (shaykh aṭ-ṭarīqa), les adeptes (al-morīdūn), les formules liturgiques (al-awrād). Les adeptes eux-mêmes sont distribués en trois catégories qui correspondent au degré de culture et dans lesquelles certains ont vu le reflet d'une hiérarchisation sociale, tandis que d'autres les fondent sur des critères essentiellement spirituels. Soucieux de revenir à l'intégrité du Coran et de la Sunna, l'ordre vise à établir un lien direct avec le Prophète plutôt qu'à rechercher, comme les autres ordres mystiques, l'union avec l'Être divin.

— Khalifa SOUA

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Idris I<sup>er</sup> de Libye, 1952 - crédits : Horace Abrahams/ Keystone Features/ Hulton Royals Collection/ Getty Images

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