SARAH MOON. PASSÉPRÉSENT (exposition)

Temps de contes, tons du silence

Rapidement reconnu comme un style original, ce parti pris esthétique accompagne une production d'auteur nourrie des contes de Grimm et d'Andersen, imprégnée de la douceur du souvenir, infléchie par l'exercice de la fiction qu’elle aborde en 1990 avec la réalisation du long-métrage Mississipi One.

Si elle ne se plie pas à la rigueur chronologique d'une rétrospective, l'exposition PasséPrésent, dont Sarah Moon a elle-même assuré la direction artistique, maintient sur un niveau entier du MAM la relation tôt tissée entre les codes de la mode et l'invention esthétique, entre la création visuelle et la narration féerique de films dont la bande son est habitée par la voix off de l'artiste.

À travers plus de deux cents épreuves de styles et formats divers, l'exposition s'écarte bientôt du préliminaire des premiers travaux de mode pour présenter une production artistique courant sur plus d'un demi-siècle, où la célébration, en formes et en couleurs, des créations d'Issey Miyake et de Yohji Yamamoto, alterne sans heurt avec la traversée des mondes secrets de l'enfance, des parcs et des bêtes, relayant les douleurs muettes du cirque et des jouets cassés, le passage mortifère du temps et la déshérence des lieux. En projection continue, cinq courts ou moyens-métrages, Circuss(2002), L’Effraie (2004), Le Fil rouge (2005), Le Petit Chaperon noir (2010), Où va le blanc… (2013), transposent les mêmes thèmes dans leur contribution parallèle de récits.

Dans cette exposition, l'espace des collections permanentes du MAM accompagne l'installation conçue par Sarah Moon en hommage à Robert Delpire (1926-2017), qui partagea sa vie à partir de 1969. La reconstitution de la salle de travail de l'éditeur donne la mesure de sa vocation encyclopédique, rassemblant en étagères ou sous vitrines les nombreuses collections d'ouvrages consacrés à des sujets aussi divers que les grands musiciens, les animaux ou la connaissance des continents. La photographie trouve sa place dans cette évocation, notamment avec la collection de monographies « Photo poche » et les cinq volumes du coffret 1 2 3 4 5 que Robert Delpire consacra en 2008 à l'œuvre de sa compagne. L'hommage comprend la projection de l'intégralité du film de 53 minutes Robert Delpire, lemontreur d'images réalisé par Sarah Moon en 2009, à partir d’un dialogue de l'éditeur avec Erik Orsenna, et présenté cette même année au public des Rencontres d'Arles.