SARCOPTÉRYGIENS
Phylogénie
Les relations de parenté entre les divers groupes de sarcoptérygiens actuels et fossiles sont toujours l'objet d'importantes recherches, car elles conditionnent l'étude de l'émergence des tétrapodes et de l'adaptation des vertébrés à la vie en milieu terrestre. Au début du xixe siècle, les premières hypothèses scientifiques sur l'homologie des os des nageoires paires des poissons et des membres des tétrapodes, notamment celles d'Étienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844), se fondaient sur un actinoptérygien primitif, le polyptère bichir (Polypterusbichir, Geoffroy Saint-Hilaire, 1809 ; cf. actinoptérygiens), comme modèle possible d'un poisson ancêtre des tétrapodes. Au cours du xixe siècle et au fur et à mesure de leur découverte, les dipneustes actuels furent progressivement considérés comme les plus proches parents des tétrapodes, voire comme leurs précurseurs, en raison de ce que l'on pensait être des choanes, mais surtout de leurs poumons et de leurs nageoires monobasales. Puis, la découverte de sarcoptérygiens fossiles, rassemblés en 1861 par Thomas Henry Huxley (1825-1895), avec les polyptères actuels, sous le nom de « crossoptérygidés », conduisit peu à peu à l'abandon des dipneustes comme précurseurs des tétrapodes, au profit de certains poissons fossiles apparemment plus proches des tétrapodes par la structure plissée de leurs dents, l'organisation des os de leur crâne, la présence de choanes vraies et surtout la structure du squelette de leurs nageoires paires qui préfigure celle du membre chez les tétrapodes. À l'aube du xxe siècle, ces « crossoptérygiens » fossiles, en particulier l'ostéolépiforme dévonien Eusthenopteron, étaient unanimement reconnus comme les ancêtres des tétrapodes, tandis que les affinités des dipneustes étaient âprement discutées, certains les plaçant même parmi les chondrichthyens (raies, requins et chimères).
Les actinistiens, qui n'étaient alors connus qu'à l'état fossile, étaient placés dans les « crossoptérygiens » car ils présentent les caractères généraux des sarcoptérygiens, bien qu'étant différents des groupes, tels les ostéolépiformes, que l'on rapprochait des tétrapodes. On comprend donc pourquoi, lors de sa découverte en 1938, l'actinistien actuel Latimeriachalumnae (le « cœlacanthe ») fut considéré comme le seul « crossoptérygien » vivant, donc un « fossile vivant », voire un « représentant actuel des ancêtres des tétrapodes ». L'étude de son anatomie a rapidement montré qu'il ne partageait que peu de caractères avec les tétrapodes et, en tout cas, moins que les dipneustes. On en revint donc progressivement à l'ancienne théorie selon laquelle les dipneustes étaient, dans la nature actuelle, les plus proches parents des tétrapodes, même si le cœlacanthe était, comme les dipneustes et les tétrapodes, un sarcoptérygien et ressemblait, par ses caractères généraux de sarcoptérygien (articulation intracrânienne, nageoires à articulation monobasale) aux ancêtres fossiles des tétrapodes.
L'interprétation des groupes fossiles de sarcoptérygiens fut tout aussi chaotique. Il y avait bien un accord général sur le fait que les « ostéolépiformes » étaient probablement à l'origine des tétrapodes, mais l'origine des dipneustes restait une énigme. En 1981, D. E. Rosen, P. L. Forey, B. Gardiner et C. Patterson publièrent un article provocateur où ils considéraient les ostéolépiformes comme des sarcoptérygiens primitifs (plus primitifs même que les actinistiens) et en aucun cas proches des tétrapodes. Ils remettaient aussi à l'honneur l'hypothèse selon laquelle les dipneustes étaient, parmi tous les sarcoptérygiens actuels et fossiles, les plus proches parents des tétrapodes. Cet article suscita de très vives controverses et eut surtout le[...]
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Écrit par
- Philippe JANVIER : directeur de recherche émérite au CNRS
Classification
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