SARVĀSTIVĀDIN
Membres de la secte bouddhiste du Petit Véhicule, issue de la branche mère des Sthavira, sans doute en ~ 244 ou ~ 243, au cours d'un concile réuni à Pātaliputra, sous le règne d'Asoka. Cette assemblée, qui était présidée par Maudgalyāyana ou par Moggaliputta Tissa, repoussa les thèses nouvelles du sarvāstivāda, lesquelles énonçaient principalement que tout existe (sarvam asti), c'est-à-dire aussi bien le passé que le présent ou le futur, ou, plus précisément, qu'un dharma (chose) donné existe à ces trois époques selon des modalités différentes (par exemple, une femme est à la fois mère et fille). Des docteurs ont proposé diverses explications de cette théorie, tels Dharmatrāta, Ghoshaka, Vasumitra et Buddhadeva. Malgré son appartenance aux trois temps, un dharma est momentané (kshanika), il ne dure qu'un instant.
Les Sarvāstivādin classent les dharma en deux catégories : les dharma conditionnés, au nombre de soixante-douze, et les dharma inconditionnés, au nombre de trois, qui sont l'espace (ākāsha) et les deux sortes de Nirvāna. Ils ont, d'autre part, élaboré une théorie de l'atome (philosophique et mental) et en distinguent trois sortes. En ce qui concerne le Buddha, ils lui reconnaissent trois corps : un corps historique matériel (rūpakāya) ou corps de rétribution (vipākakāya) ; un dharmakāya, fait de dharma conditionnés mais purs ; un grand nombre de nirmānakāya. Avant d'être Buddha, le bodhisattva a poursuivi sa carrière durant trois périodes incalculables (asamkhyeyakalpa) et cent kalpa. Cela ne veut pas dire que les Sarvāstivādin tenaient pour l'existence d'une entité personnelle transmigrant au cours des existences. Il n'existe que des séries psychologiques (de dharma) qui prennent possession (prāpti) de l'acte. Cette possession est momentanée, comme tous les dharma, et engendre aussitôt une nouvelle possession jusqu'au moment où l'acte produit son fruit (vipākaphala).
Outre ces théories, un autre élément avait contribué à séparer les Sthavira et les Sarvāstivādin : le fait que les premiers ne s'intéressaient qu'aux Sūtra, tandis que les seconds leur préféraient l'Abhidharma.
Implantés surtout au Cachemire après le voyage de Madhyāntika dans cette région, les Sarvāstivādin bénéficièrent de la générosité de Kaniśka, sous le règne duquel ils réunirent d'ailleurs un concile pour fixer leur Abhidharmapitaka. Il en sortit un commentaire très volumineux, la Mahāvibhāśā (La Grande Exégèse). De tous les maîtres sarvāstivādin, le plus connu est sans doute Vasubandhu. Il naquit à Purushapura (Peshawār), à une date très incertaine, qui peut se situer entre 300 et 500. Il rédigea un Abhidharmakośaśāstra (Trésor de l'Abhidharma), qui donna lieu à de nombreux commentaires et surtout à une traduction chinoise par Xuanzang (651-654), origine d'une secte sarvāstivādin en Chine et au Japon. Parmi les autres grands maîtres, on peut citer Gunamati, Yashomitra, Sthiramati, tous commentateurs de l'Abhidharmakośa, sans oublier Vasumitra, auquel on attribue la présidence du comité de rédaction de la Mahāvibhāshā.
On ne sait exactement à quelle date les Sarvāstivādin disparurent en Inde. Lors de leurs voyages, Xuanzang (602-664) et Yijing (635-713) en dénombrent plusieurs milliers. D'après Tāranātha, ils existaient toujours au xe siècle, mais sous la forme d'une secte appelée Mūlasarvāstivādin. Celle-ci était encore inconnue au viie siècle. Yijing est le premier à en parler ; il ramène d'ailleurs en Chine son vinaya et le traduit. Quant aux Tibétains, ils ne possèdent pas d'autre vinaya que celui des Mūlasarvāstivādin. Les thèses des Mūlasarvāstivādin sont, à peu de chose près, les mêmes que celles des Sarvāstivādin ; mais leur langue est un sanskrit plus pur[...]
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Écrit par
- Jean-Christian COPPIETERS : remisier près la Bourse de commerce de Paris
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