RĀDHĀKRISHNAN SARVEPALLI (1888-1975)
La vie de Rādhākrishnan symbolise la vieille tradition hindoue des savants-philosophes qui situent les problèmes de leur époque dans le cadre toujours renouvelé d'une pensée religieuse millénaire. Rādhākrishnan est probablement le plus accessible des interprètes d'une philosophie complexe, et marque, de ce fait, l'initiation spirituelle de plusieurs générations d'Indiens cultivés. Écrivain de talent possédant un esprit de synthèse remarquable, il est également, pour l'Occident, le porte-parole éloquent et persuasif de la philosophie hindoue. Il commente avec érudition, dans un langage limpide, les nuances subtiles des textes sacrés, et contribue largement à faire connaître la richesse d'une tradition spirituelle séculaire.
Né à Tirutanni, lieu de pèlerinage dans la région de Chittoor au pays andhra, Rādhākrishnan est entouré très jeune d'une atmosphère de religiosité, mais son éducation dans les écoles missionnaires chrétiennes de Tirupathi et de Vellore l'oriente vers une carrière académique. Il termine brillamment sa licence en philosophie au collège chrétien de Madras, et commence en 1909 une carrière d'enseignant. À trente ans, il est nommé professeur à l'université de Mysore et publie son étude sur Rabindranāth Tagore (The Philosophy of Rabindranāth Tagore, 1918). Il accepte, en 1921, la chaire de philosophie à l'université de Calcutta et donne plusieurs séries de conférences aux universités d'Oxford, de Londres et de Chicago.
Pendant cette période, il publie son œuvre monumentale sur la philosophie indienne (Indian Philosophy, 2 tomes, 1923-1927), qui est saluée comme une interprétation magistrale des textes fondamentaux d'une pensée philosophique encore mal connue. Il est nommé vice-chancelier de l'université d'Andhra en 1931, et de l'université hindoue de Bénarès en 1939. Professeur des religions orientales à Oxford en 1936, il est également membre du comité de la Société des Nations pour la coopération intellectuelle.
Rādhākrishnan est aussi un écrivain prolifique : commentaires sur les Upanishads (The Philosophy of the Upanishads, 1924), sur la Bhagavad-Gītā (The Bhagavad-Gītā, 1948) et sur la voie du Dharma (Dhamapada, 1950). Après l'indépendance de l'Inde, Rādhākrishnan est appelé à jouer un rôle actif dans la vie publique, sans toutefois abandonner le monde de l'enseignement. Il dirige la délégation indienne à l'U.N.E.S.C.O. pendant plusieurs années et devient président de son conseil exécutif en 1948. Son anniversaire est toujours célébré en Inde comme la « fête des enseignants ».
En 1948, il est nommé président de la Commission gouvernementale sur l'Éducation universitaire, chargée de réexaminer le système de l'enseignement supérieur. Dans son rapport, il explique le concept d'État laïc, que l'Inde cherche à instaurer au moment où règne une tension extrême entre hindous et musulmans à la suite de la partition. Il s'agit non pas d'un État sans religion, mais plutôt d'un État qui cherche à promouvoir une « religion universelle » en encourageant le développement de toutes les religions, sans discrimination. Mais cette conception est critiquée ; on lui reproche de n'être qu'une forme d'intolérance déguisée envers les religions qui tiennent au caractère unique de leur foi.
En 1949, Rādhākrishnan est nommé ambassadeur en Union soviétique, où il tente d'exposer à Staline les vertus de la tradition indienne de tolérance et de non-violence. Staline le juge bon patriote, mais dépourvu d'aptitudes politiques... Lorsqu'il s'agit d'élire, en 1952, le premier vice-président de la nouvelle République, le choix de Nehru se porte sur Rādhākrishnan. Le consensus se fait facilement sur son nom, et il occupe ce poste pendant dix ans. Il est en même temps président[...]
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Écrit par
- Balveer ARORA : docteur en science politique, professeur au Centre d'études politiques de l'université Jawaharlal-Nehru, New Delhi, Inde
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