SATAN
Satan dans l'économie du salut
Réfléchissant sur ces données scripturaires, les théologiens ont donné des interprétations variées, parmi lesquelles on ne peut retenir ici que la doctrine dite traditionnelle. Il existe, selon celle-ci, des esprits purs, les anges, créatures de Dieu ; les uns sont bons, les autres mauvais. Étant créés par un Dieu qui est essentiellement bon, les anges mauvais ne peuvent être tels par nature : ils le sont devenus par choix libre. Contre les hérésies dualistes, le IVe concile du Latran a bien précisé qu'aucun être n'est originellement mauvais et que le mal provient d'un acte libre de la créature. Les théologiens se sont alors heurtés au problème de savoir comment des anges créés bons ont pu pécher, ou, pour employer un langage figuré, comment ils sont « tombés ». Ils ont proposé de nombreuses interprétations : péché d'orgueil (volonté de parvenir à la béatitude par soi seul, selon Thomas d'Aquin), désir d'égalité avec Dieu (Duns Scot), désir d'union hypostatique avec le Verbe (Suarez). Il faut reconnaître qu'il ne s'agit là que de définitions de la nature du péché des anges, et non d'explications de sa possibilité. Il y a dans cet acte libre d'un esprit pur une contingence radicale, une déviation incompréhensible de la volonté, qui apparaît comme un mystère, mais qui reste cependant moins obscure que l'autre terme de l'alternative qui consisterait à admettre l'existence d'un principe du mal, éternel et indépendant de Dieu (hérésie dualiste).
Le premier acte par lequel Satan se soit opposé à Dieu, dès la création, est la tentation d'Adam, ce qui lui valut, pour la tradition, les titres de « Père du mensonge », d'« homicide dès le commencement ». Dans le langage figuré de la Genèse, en effet, le serpent (déguisement de Satan) induit le premier couple à désobéir à Dieu : il lui fait goûter du fruit défendu de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, en insinuant frauduleusement : « Vous serez comme des dieux. » L'homme, ainsi déchu de son innocence primitive, se trouve en état de péché ou sous l'empire de Satan. Dans le Nouveau Testament s'entrecroisent deux registres d'expression : l'un subjectif (le mal, le péché, l'esclavage du péché, etc.), l'autre objectif (Satan, l'empire de Satan) ; la propension au mal de la nature déchue est exprimée comme un esclavage sous la tyrannie de Satan. Par l'incarnation du Verbe en Jésus-Christ et par la mort du Christ, l'homme a été « libéré » du péché, « délivré » du mal ; selon l'autre registre, Satan a été vaincu, son empire a été renversé : « Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair. » Cette notion d'empire de Satan a conduit, comme si celui-ci avait un « droit » sur l'homme et comme si le Christ par sa mort rachetait une dette, à une conception juridique du salut qui s'est avérée embarrassante et a été souvent rejetée, bien qu'elle ait été soutenue par de grands théologiens : la part faite à Satan y était trop belle.
Si Satan est déjà vaincu, il n'est pas anéanti ; si le royaume de Dieu est « parmi nous », il n'est pas achevé. Entre la Rédemption et la fin des temps, l'histoire humaine se poursuit, où Satan continue d'agir, rôdant « comme un lion cherchant qui dévorer ». Il tente d'enlever la semence de la Parole de Dieu dans le cœur des hommes « de peur qu'ils ne croient et ne soient sauvés » (Luc, viii, 12). Le but de Satan n'est pas tant de faire le mal que d'empêcher les hommes de croire, en les faisant douter de Dieu, ce qui est le plus grand péché, le péché contre l'Esprit.
Parmi les tribulations du royaume de Dieu, il en est une que certains interprètes des Épîtres[...]
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Écrit par
- Hervé ROUSSEAU : diplômé d'études supérieures de philosophie, économiste
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