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SATANISME, littérature

Le satanisme frénétique

Ces renversements ne sont blasphématoires qu'en apparence. Que reste-t-il de son aura maléfique, à ce Satan enrôlé sous la bannière du bien ? On assiste certes, tout au long du xixe siècle, à l'élaboration de théories destinées à démontrer que le mal, tout en gardant ses aspects violents, est dialectiquement nécessaire à la manifestation et au triomphe final du bien, la plus réussie et la plus grandiose de ces tentatives de conciliation étant, dans le domaine littéraire, La Fin de Satan de Victor Hugo. Il n'en reste pas moins que l'optimisme de ces constructions oblitère considérablement la force subversive d'un satanisme au maximum provisoire.

Il faut se tourner d'un autre côté pour trouver dans la littérature une connivence moins ambiguë avec le principe du mal, dont quelques traits prémonitoires se laissent déceler dans le Vathek de W. Beckford (1787) ou le Manuscrit trouvé à Saragosse de J. Potocki (1805). Dans la littérature, soulignons-le une fois pour toutes, une des particularités du satanisme littéraire est de s'être toujours tenu à une grande distance du satanisme « vécu », qui semble bien, malgré les révélations fracassantes autant que mensongères de Léo Taxil à la fin du siècle, n'avoir jamais été pratiqué que dans des conventicules de déséquilibrés. Les écrivains dont nous voulons parler appartiennent à une bohème romantique qui affiche, en même temps qu'un culte idolâtrique de l'art, les opinions, les attitudes et les sentiments les plus propres à les différencier d'une bourgeoisie détestée. Poursuivis par un guignon auquel ils contribuent en refusant toute concession à ce qu'ils estiment être une esthétique mercantile, ces «  petits romantiques » retournent volontiers contre un Dieu auquel ils affectent de ne pas croire la malédiction dont ils se sentent l'objet. Chez certains, dont le plus représentatif est Pétrus Borel, l'offense au Créateur prend la forme d'une complaisance provocatrice dans les spectacles atroces, les crimes raffinés, les attitudes suicidaires. Le recueil de contes intitulé Champavert (1833) en offre une collection de haute saveur. Ailleurs, dans Madame Putiphar (1839), Borel s'ingénie à dépeindre le triomphe des méchants dans un monde où le mal règne sans restriction.

On dira que ces inventions, où l'influence du marquis de Sade est évidente, sont généralement présentées avec une distance ironique qui rend très improbable l'adhésion intime des auteurs aux horreurs qu'ils se plaisent à étaler. Mais c'est par là, justement, que le satanisme des « petits romantiques » ouvre à la littérature les voies les plus neuves, comme les surréalistes le souligneront plus tard : il y a en eux une compulsion autodestructrice qui n'épargne pas le geste même de l'écriture. Lorsque Lautréamont reprendra et prolongera cette veine frénétique dans Les Chants de Maldoror (1869), il mêlera pareillement le ton de la parodie et de l'autodérision à l'expression de fantasmes issus d'un univers instinctuel particulièrement atroce.

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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<em>Jules Barbey d’Aurevilly</em>, Carolus-Duran - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Jules Barbey d’Aurevilly, Carolus-Duran

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