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SATELLITES ESPIONS

Les satellites de reconnaissance pendant la guerre froide

En 1957, les Américains constatent que leurs grandes villes sont désormais à la portée des armes nucléaires soviétiques. Leurs services de renseignement estiment alors que l'U.R.S.S. disposera à court terme d'un nombre de missiles balistiques bien supérieur à celui des États-Unis. C'est le missile gap. Le 24 octobre de cette année-là, vingt jours après le lancement de Spoutnik-1, le Conseil des activités de renseignement du président américain se prononce en faveur d'un satellite de reconnaissance optique à mettre en service en moins d'un an ; son objectif : détecter les sites des I.C.B.M. soviétiques avec une résolution de 7 mètres ou mieux. Le projet Corona, placé sous la responsabilité de la C.I.A., est né. Lancé de la base de Vandenberg (Californie) sur une orbite polaire de façon à couvrir la totalité du territoire soviétique, le satellite effectuera 17 révolutions autour de la Terre lors d'une mission de 24 heures ; lors de la dernière révolution, la capsule contenant les films sera éjectée et engagera son retour sur Terre, vers une zone située près d'Hawaii. À 18 kilomètres d'altitude, elle descendra sous parachute. À 3 000 mètres environ, elle sera récupérée en vol par l'un des cinq avions C-119 F du 6 593e escadron, affecté à cette tâche. La responsabilité industrielle du programme Corona est confiée à Lockheed.

Afin de rester secret, le programme Corona se cache sous le nom de Discoverer ; il s'agit officiellement de satellites expérimentaux embarquant des expériences biomédicales. Le lancement de Discoverer-1, le 28 février 1959, se solde par un échec. Le succès complet arrive avec Discoverer-14, le 18 août 1960 ; placé sur une orbite elliptique (281 sur 756 km), le satellite et sa caméra KH-1 (KH pour Keyhole : « trou de serrure ») photographient 4 270 000 kilomètres carrés du territoire soviétique, autant qu'au cours de 24 missions d'avions de reconnaissance U-2 volant vers 21 000 mètres d'altitude. Avec sa résolution de 10 mètres, moins bonne que les 2,5 m prévus et que les 60 centimètres de l'U-2, il détecte néanmoins 64 nouveaux aérodromes militaires et 26 sites de missiles sol-air. Malgré ce succès, la déception est grande : aucun site d'I.C.B.M. n'a été détecté. Il faudra attendre Discoverer-25, lancé le 16 juin 1961, pour que le nombre d'I.C.B.M. soviétiques soit estimé entre 10 et 25, bien inférieur à celui des États-Unis. C'est la fin du missile gap.

La viabilité du concept Corona étant dès lors démontrée, il faut améliorer les performances des satellites en augmentant la quantité de film embarquée ainsi que la durée de chaque mission : lors des premières missions, les Corona KH-1 emportaient 9 kilogrammes de films ; à partir de 1963, les KH-4A en embarquent 72, répartis en deux bobines ; la durée de vie sur orbite passe à 6 ou 7 jours. La résolution est comprise entre 3 et 7 mètres et des images panoramiques permettent désormais de cartographier les sites. Les Corona commencent alors à être utilisés pour le choix des objectifs en U.R.S.S.

Avec le KH-4B, dernière version des Corona, lancé pour la première fois le 15 septembre 1967, la résolution atteint 1,8 m avec un film en couleurs ; la localisation des objectifs est précise à 30 mètres près, au lieu de 140 pour le KH-4A ; la durée de vie sur orbite est de 20 jours. L'étendue des zones photographiées est accrue : de quelques kilomètres autour de l'objectif avec le KH-1, elle est de 18 kilomètres sur 266 kilomètres avec le KH-4A (et de 540 sur 540 kilomètres avec les KH-5 Argon). Une seule mission Corona peut photographier les deux tiers du territoire soviétique plus quelques autres régions du monde.

Novembre 1963 voit émerger,[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Académie de l'air et de l'espace et de l'International Academy of Astronautics, ancien président de l'Institut français d'histoire de l'espace

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Média

Navette spatiale Atlantis au décollage - crédits : NASA

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