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SATIRE MÉNIPPÉE

« Tous ceux qui sont nourris aux lettres savent bien que le mot de satire ne signifie pas seulement un poème de médisance pour reprendre les vices publics ou particuliers de quelqu'un, comme celles de Lucilius, Horace, Juvénal et Perse, mais aussi toute sorte d'écrits remplis de diverses choses et de divers arguments, mêlés de proses et de vers entrelardés, comme entremets de langues de bœuf salées [...]. Quant à l'adjectif de ménippée, il n'est pas nouveau : car il y a plus de seize cents ans que Varron, appelé par Quintilien et par saint Augustin le plus savant des Romains, a fait des satires [...] auxquelles il donna ce nom à cause de Menippus, philosophe cynique, qui en avait fait de pareilles auparavant lui, toutes pleines de brocards salés et de gausseries saupoudrées de bons mots, pour rire et pour mettre aux champs les hommes vicieux de son temps. » Ainsi parle, d'après le Deuxième Avis de l'imprimeur, le proche parent de l'auteur d'un livre qui fut connu d'abord sous le titre La Vertu du catholicon d'Espagne et qui se donnait alors (1593) pour un Abrégé de la tenue des estats de Paris convoquez au X de febvrier 1593 par les chefs de la Ligue. Tant de références et de qualités littéraires ont assuré la postérité de « cet immortel pamphlet » (Lanson), mais son succès immédiat s'explique évidemment par le contexte de l'époque. La Ligue cherchait à écarter l'héritier de la couronne, le réformé Henri de Bourbon, roi de Navarre, en lui opposant un catholique élu par les états. Le duc de Mayenne, chef de la Ligue et, par la maison de Lorraine, descendant des Carolingiens, pouvait être désigné ; mais son alliée l'Espagne, dont la reine était une Valois, lui préférait l'infante Isabelle. Dans les deux cas, c'était aller contre les règles habituelles de succession, voire contre l'intérêt de la nation. Aussi les ligueurs parurent-ils fanatiques à certains catholiques français, qui formèrent en réaction le parti dit des Politiques ; et le Parlement finit par arrêter qu'il était « périlleux pour la religion et pour l'État » qu'il choisisse un roi.

En raillant le « catholicon composé », la drogue prétendument miraculeuse du Lorrain et de l'Espagnol, la Satire Ménippée faisait le jeu des Politiques et, par-devers eux, du futur roi Henri IV. Après avoir décrit ces « charlatans » vendant leur « fin galimatias » aux portes du Louvre, elle suit l'entrée des états dans la salle des séances, puis expose les discours de leurs représentants. Seul le dernier, M. d'Aubray pour le tiers état, échappe au ridicule ; il prononce un long plaidoyer pour un roi « né au vrai parterre des lis de France », Henri de Navarre. C'est là qu'apparaît le plus clairement l'esprit de l'ouvrage, qui retourne ensuite à la satire, avec la description de tableaux allégoriques dans l'escalier de la salle (pendant à la description des Pièces de tapisserie au début du livre), des épigrammes, un épilogue.

Quant à l'auteur du Deuxième Avis, on aura compris qu'il s'agissait d'une fiction : la Satire Ménippée est le type même de l'œuvre collective, d'ailleurs hétérogène, inégale. Elle est issue d'un milieu loyaliste d'ecclésiastiques et de juristes, proche des humanistes : le clerc et parlementaire Gillot, chez qui se réunissaient Passerat, le successeur de Ramus au Collège royal ; Rapin, juge à Fontenay, l'un des promoteurs du vers métrique en français ; Florent Chrestien, ancien précepteur de Henri de Bourbon, converti au catholicisme ; le jurisconsulte Pithou, aux airs de « Ménippe érudit » (Lenient), réfugié un temps à Bâle pour calvinisme ; l'avocat clermontois Gilles Durand ; le chanoine Leroy enfin, qui avait été aumônier du cardinal de Bourbon (prétendant catholique au trône) et qui aurait[...]

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