SATURNE, planète
De l’observation à l’œil nu à l’exploration spatiale
Connue dès l’aube de l’humanité, Saturne constitue un élément important des différentes mythologies. C’est la planète la plus lointaine aisément visible à l’œil nu et son mouvement très lent par rapport aux étoiles de la voûte céleste a beaucoup frappé les astronomes antiques de toutes les civilisations. Vraisemblablement dès le xiie siècle avant J.-C., les prêtres astronomes de Mésopotamie consignaient systématiquement les mouvements de Saturne dans le ciel. Les plus anciennes observations de ses déplacements qui nous soient parvenues figurent sur des tablettes babyloniennes datant du viie siècle avant J.-C. Dans la Grèce antique, peut-être à partir d’Aristote (env. 385-322 av. J.-C.), la planète prend le nom de Cronos, un Titan dans la mythologie grecque – c’est-à-dire une divinité préolympienne, fils d’Ouranos (le Ciel) et de Gaia (la Terre). Plus tard, les Romains identifient Saturne, divinité agraire dans la religion romaine, à Cronos, dont les mythes sont adoptés dans l’art et la littérature. La planète prend dès lors le nom de Saturne chez les Latins.
Observations télescopiques
C’est au cours du mois de juillet 1610 que Galilée (1564-1642) pointe pour la première fois sa lunette vers Saturne et annonce que la planète est triple, avec une composante centrale plus grosse et deux compagnons. Ce sont les anneaux, déformés par sa lunette, que découvre en fait Galilée autour de Saturne. Il faudra attendre les observations de Christiaan Huygens (1629-1695) à partir de 1655 pour que soit adoptée l’hypothèse d’un anneau. Utilisant de meilleures lunettes, Huygens compare les observations sur plusieurs années, note les changements d’apparence de la planète et comprend, dès 1656, que le mystère de la forme de la planète s’explique par la mauvaise qualité des optiques de l’époque. Il annonce officiellement, en mars 1658, que Saturne est entouré d’un anneau mince, plan et incliné par rapport au plan de l’orbite de Saturne autour du Soleil. En 1675, Jean-Dominique Cassini (1625-1712) découvre que cet anneau est en fait constitué de deux zones concentriques (A et B) séparées par une région considérée comme vide à cette époque et appelée depuis « division de Cassini ».
À la fin du xixe siècle, on connaissait neuf satellites naturels (ou lunes) de Saturne. Titan, le plus gros d’entre eux, fut découvert par Huygens dès 1655. En 1671, Cassini découvrit Japet et, l’année suivante, Rhéa puis, en 1684, Téthys et Dioné. Il fallut alors plus d’un siècle pour que deux autres satellites, Mimas et Encelade, soient observés par William Herschel (1738-1822) en 1789. En 1848, Hypérion est découvert indépendamment par les astronomes William Cranch Bond (1789-1859) – aidé de son fils George Phillips Bond (1825-1865) – et William Lassell (1799-1880). En 1899, William Henry Pickering (1858-1938) détecte Phœbé à partir de plaques photographiques et il faudra attendre 1966 pour qu’un dixième satellite, Janus, soit découvert par Audoin Dollfus (1924-2010).
Les premières observations spectroscopiques de Saturne par Vesto Melvin Slipher (1875-1969), en 1905, révèlent de fortes bandes d’absorption dans le spectre visible de la planète, qui seront identifiées, vingt-six ans plus tard, comme étant des bandes de méthane (CH4) et d’ammoniac (NH3). Le dihydrogène, constituant principal de Saturne, ne sera détecté qu’en 1962 par Hyron Spinrad (1934-2015) et ses collègues. C’est encore la spectroscopie qui permet d’établir que Titan possède une atmosphère dense grâce à la détection, en 1944, de fortes absorptions dues au méthane.
L’apport des missions spatiales
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Écrit par
- Bruno BÉZARD : directeur de recherche au CNRS, Observatoire de Paris
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