RAY SATYAJIT (1921-1992)
L'Inde est un pays connu pour être le plus gros producteur de films au monde, à travers deux centres (Madras et Bombay) qui distillent des œuvres mythologiques ou d'action, chantées ou dansées. Satyajit Ray s'est toujours tenu éloigné des règles de l'industrie du cinéma commercial et a choisi de demeurer fidèle à sa ville (Calcutta, où il naît en 1921), à sa région (le Bengale), à sa langue et à sa culture. Il a manifesté son attachement à la musique classique indienne en demandant à Ravi Shankar, alors peu connu en Occident, de composer en 1955 la musique de son premier film, Pather Panchali, avant de consacrer un film à ce sujet, Le Salon de musique (1958), où s'illustrent des musiciens comme Ustad Vilayat Khan et Bismillah Khan. Plus qu'à la musique, c'est à la littérature bengali, la plus riche et la plus importante de toute l'Inde, que le cinéaste sera fidèle, s'inspirant de ses principaux romanciers, à commencer par Rabindranath Tagore, Prix Nobel en 1913, dont il adaptera des nouvelles (Trois Femmes, 1961), ainsi que Charulata (1964) et La Maison et le monde (1984).
Un héritier de la Renaissance bengali
Satyajit Ray est lui-même issu d'une famille d'écrivains, amis de Tagore. Son grand-père était imprimeur, éditeur traducteur et écrivain pour enfants, et son père, grand admirateur de Lewis Carroll et d'Edward Lear, est l'auteur d'une œuvre où l'on peut voir l'équivalent bengali d'Alice au pays des merveilles. À travers sa famille et Tagore, Satyajit Ray est aussi l'héritier d'un mouvement intellectuel de la seconde moitié du xixe siècle, connu sous le nom de Renaissance bengali. Ce mouvement, qui prônait un juste échange culturel entre l'Orient et l'Occident, s'est élevé contre le système des castes en Inde, dénonçant le dogmatisme religieux préconisé par les fondamentalistes hindous. Il a favorisé l'émancipation de la femme (thème central dans La Grande Ville et Charulata) et s'est vu naturellement associé aux grands mouvements progressistes qui contribuèrent, au début du siècle, à l'indépendance.
Héritier de la Renaissance bengali, Ray a choisi le cinéma pour se démarquer de la voie explorée par sa famille. Adolescent, à Calcutta, il découvre dans les salles obscures le cinéma américain classique (Lubitsch, Chaplin, Douglas Fairbanks), et c'est à Santiniketan, l'université fondée par Tagore, qu'il s'initie au début des années 1940 à l'art oriental (la peinture et la calligraphie chinoises). À son retour, il travaille comme dessinateur dans une agence de publicité, illustre des éditions de classiques pour enfants et fonde, en 1947, un ciné-club avec des amis, tourné vers le cinéma soviétique et américain. Le désir de véritablement faire du cinéma, Ray l'a éprouvé en rencontrant Jean Renoir, venu en 1949 faire des repérages puis tourner Le Fleuve à quelques kilomètres de Calcutta. Peu de temps après, le choc du néo-réalisme et la découverte du Voleur de bicyclette le mettent sur la voie de Pather Panchali.
À l'époque, pour tourner un film, il faut passer par l'assistanat, travailler avec des stars, accepter de tourner en studio. Autant de contraintes que refuse Ray. C'est ainsi que, entouré de quelques amis, avec le peu d'argent dont il dispose, il se lance dans l'aventure de Pather Panchali, qu'il tourne en décors naturels, avec des acteurs pour la plupart inexpérimentés. Interrompu à plusieurs reprises, le tournage s'étale sur trois ans. Le film, adapté d'un classique populaire de la littérature bengali (il fut publié dans la presse sous forme de feuilleton en 1928), connaîtra un énorme succès au Bengale. Aparajito (1956), deuxième volet de la trilogie d'Apu (que complète en 1959 Le Monde d'Apu), recevra le[...]
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Écrit par
- Charles TESSON : critique de cinéma, maître de conférences en histoire et esthétique de cinéma, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Autres références
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SALON DE MUSIQUE, film de Satyajit Ray
- Écrit par Kristian FEIGELSON
- 795 mots
Le Salon de musique (Jalsaghar), adapté d'un conte indien, semble en décalage avec le réalisme des productions précédentes du cinéaste bengali Satyajit Ray (1921-1992). Celui-ci venait d'achever La Complainte du sentier (Pather Panchali, 1955) et L'Invaincu (Aparajito, 1956), les...
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INDE (Arts et culture) - Le cinéma
- Écrit par Amandine D'AZEVEDO et Charles TESSON
- 6 915 mots
Parallèlement à cette effervescence du cinéma hindī, le Bengale, par l’intermédiaire de Satyajit Ray (Aparajito, lion d’or à Venise en 1957), fera parler de lui. Marqué par le néo-réalisme et par sa rencontre avec Jean Renoir lors du tournage du Fleuve (1951), le cinéma de Ray saura admirablement...