RAY SATYAJIT (1921-1992)
Un art du temps
De Renoir et du néo-réalisme, Satyajit Ray gardera cette idée qu'un artiste doit être le témoin engagé de l'époque dans laquelle il vit, qu'il s'agisse de la misère des campagnes (Pather Panchali) ou de la corruption qui règne dans le monde des affaires (Les Branches de l'arbre, 1990). Du passé de la Renaissance bengali, il gardera l'attachement pour cette vitalité intellectuelle et culturelle qui marque des films comme La Déesse, Le Salon de musique, Charulata et La Maison et le monde.
Parallèlement à sa carrière de cinéaste, Ray a été musicien et écrivain. C'est en 1961 qu'il commence à composer la musique de ses films, chose rare dans l'histoire du cinéma – à l'exception de Chaplin –, mais fréquente en Inde. Ray a toujours dit que « le cinéma, comme la musique, est un art du temps » et que, contrairement à la peinture ou à la littérature, le cinéma est un art qui impose sa durée. Cependant, la musique indienne reposant essentiellement sur l'improvisation, c'est du côté de l'Occident (Beethoven et Mozart) que Ray ira chercher les modèles qui obéissent à des formes dramatiques précises (concerto, sonate, symphonie).
C'est également en 1961 qu'il fait renaître la revue Sandesh, fondée par son grand-père en 1913. Ce magazine pour enfants publie en bengali des nouvelles qui sont la retranscription de contes populaires oraux. Ray lui-même prend goût à écrire des nouvelles. Il crée le personnage du détective Feluda, son héros le plus célèbre, qu'il adaptera à l'écran, et signe de nombreux récits fantastiques inspirés de Jules Verne et d'Arthur Conan Doyle.
C'est de cette façon que Satyajit Ray en vient à écrire le scénario de son projet The Alien, qu'il devait tourner à Hollywood pour la Columbia. Il reprochera plus tard à Spielberg de s'en être inspiré en réalisant E.T.
Trois visages de comédiennes (Sharmila Tagore, Madhabi Mukherjee et Mamata Shantar) irradient l'œuvre de Ray, et un acteur, Soumitra Chatterjee, qui fut Apu en 1959 dans Le Monde d'Apu et Proshanto dans Les Branches de l'arbre en 1990, a été jusqu'au bout son porte-parole. À travers lui, Ray s'est regardé grandir et a vu le temps passer. Le thème du passage constitue en effet la figure centrale de son cinéma : passage de la campagne à la ville, passage de la maison au monde, de l'enfance à l'âge adulte, du monde du jeu (Les Joueurs d'échecs) au monde du travail (L'Intermédiaire). Figures du passage et de l'échange qu'il a orchestrées sur le plan des idées (l'opposition entre la raison et la foi dans La Déesse et Ganashatru) et dont il a fait, à partir de la musique, l'enjeu esthétique de son cinéma. Car la musique est moins associée à une métaphore de la création artistique qu'elle n'est, dans Le Salon de musique, ce qui ouvre le sujet humain au plaisir de l'audition. La musique, en effet, telle que Ray la filme, ne livre pas son dernier mot. Contrairement à l'écrit ou à la peinture, elle est précisément ce qui passe mais ne reste pas.
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Écrit par
- Charles TESSON : critique de cinéma, maître de conférences en histoire et esthétique de cinéma, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Autres références
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SALON DE MUSIQUE, film de Satyajit Ray
- Écrit par Kristian FEIGELSON
- 795 mots
Le Salon de musique (Jalsaghar), adapté d'un conte indien, semble en décalage avec le réalisme des productions précédentes du cinéaste bengali Satyajit Ray (1921-1992). Celui-ci venait d'achever La Complainte du sentier (Pather Panchali, 1955) et L'Invaincu (Aparajito, 1956), les...
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INDE (Arts et culture) - Le cinéma
- Écrit par Amandine D'AZEVEDO et Charles TESSON
- 6 915 mots
Parallèlement à cette effervescence du cinéma hindī, le Bengale, par l’intermédiaire de Satyajit Ray (Aparajito, lion d’or à Venise en 1957), fera parler de lui. Marqué par le néo-réalisme et par sa rencontre avec Jean Renoir lors du tournage du Fleuve (1951), le cinéma de Ray saura admirablement...