WINSTEIN SAUL (1912-1969)
Né à Montréal le 8 octobre 1912, le chimiste Saul Winstein arriva en Californie avec sa famille en 1923. Il fit ses études universitaires à l'université de Californie à Los Angeles (UCLA), puis à Caltech, où il obtint en 1938 son doctorat. Stagiaire postdoctoral à Harvard, dans le groupe de Paul D. Bartlett (1939), il retourna ensuite à l'UCLA, où se déroula toute sa carrière. Il y fut promu professeur titulaire en 1947. Son œuvre scientifique se situa en chimie organique physique, une sous-discipline à l'épanouissement de laquelle ses travaux contribuèrent. Avec quelques chimistes – Paul D. Bartlett, Louis P. Hammett, John D. Roberts, Donald J. Cram –, il donna une implantation américaine à l'étude du mécanisme des réactions de la chimie organique, auparavant dominée par l'école britannique d'Ingold et Hughes. Son étude approfondie de la participation de groupements voisins, lorsqu'un centre carboné devient porteur d'une charge électrique positive (carbocation), lança la chimie organique physique dans ce nouvel axe. Il préconisa la notion de cations « non classiques », stabilisés justement par délocalisation d'électrons, provenant d'atomes voisins. On lui doit aussi les concepts d'homoconjugaison et d'homoaromaticité, extensions des notions de conjugaison et d'aromaticité, dans les molécules organiques. Il fit d'importantes découvertes relatives aux effets de solvants, aux mécanismes de réactions d'organométalliques et de réactions radicalaires, à la coexistence de divers types de paires d'ions (anion + cation) impliquées dans divers mécanismes, ou encore aux mécanismes de réactions de substitution et d'élimination. Winstein, attaché à comprendre tout phénomène à fond, défendait ses idées avec fougue. Il fut ainsi le protagoniste de plusieurs controverses, dont celle qui l'opposa à Herbert C. Brown, au sujet des ions classiques ou non classiques, est célèbre. Son séminaire du jeudi soir à l'UCLA, conjoint avec Donald J. Cram (1919-2001), est lui aussi resté fameux, non seulement pour sa longueur, mais surtout pour l'opiniâtreté avec laquelle Winstein cherchait à établir la solidité des faits expérimentaux discutés – ce qu'il faisait sans respect excessif vis-à-vis du présentateur sur la sellette. Son décès d'une attaque cardiaque, à Los Angeles le 23 novembre 1969, le priva d'un prix Nobel de chimie, que la collectivité des chimistes pensait alors imminent.
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Écrit par
- Pierre LASZLO : professeur honoraire à l'École polytechnique et à l'université de Liège (Belgique)
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