SAVANT CHERCHE REFUGE (S. Balibar) Fiche de lecture
La physique quantique s’est construite au cours de la première moitié du xxe siècle. Comme le raconte Sébastien Balibar dans Savant cherche refuge. Comment les grands noms de la science ont survécu à la Seconde Guerre mondiale (Odile Jacob, 2019), elle s’élabore d’abord en Europe dans un petit nombre de centres, surtout en Allemagne jusque vers 1935, mais aussi en France, en Angleterre, au Danemark et en Union soviétique avant de se déplacer vers les États-Unis dès le début de la Seconde Guerre mondiale. Des scientifiques dont l’histoire générale a souvent retenu le nom, Lev Landau, Niels Bohr, Werner Heisenberg, entre autres, sont les « maîtres à penser » de ces centres, lieux de recherche et d’enseignement, où l’on vient également en quête d’un poste. De maître à maître circulent de nombreux chercheurs, souvent jeunes – on est précoce en physique mathématique – et de toutes nationalités, juifs et non juifs.
Le temps de l’exil
Ce dernier point va devenir crucial. La science n’est pas neutre, on le sait, mais sa relation directe avec les pouvoirs politiques l’est encore moins. Dès 1933, la domination nazie rebat les cartes de la science allemande. Elle contraint les savants juifs et les opposants à l’exil, les forçant à chercher où travailler – ou simplement vivre – en Angleterre, en France puis aux États-Unis après l’instauration du gouvernement de Vichy. Comme tous les exilés, ces universitaires se heurtent à une administration revêche – exception faite de la France du Front populaire – mais peuvent compter heureusement sur l’aide de quelques collègues. Dans le même temps, l’URSS se referme et soumet la recherche aux impératifs de production et à Beria, chef du NKVD, également en charge du programme nucléaire soviétique. Peut-on poursuivre ses recherches dans un temps scandé par des exils successifs ? Le paysage de la physique est bouleversé. La circulation des personnes et des recherches s’appauvrit ; le secret s’installe. Lorsque la guerre éclate, le nucléaire militaire prend le pas sur tout le reste. Ce sont trente années d’histoire de la physique que raconte Sébastien Balibar, l’histoire méconnue de savants contraints à l’exil et en quête d’un refuge, tout comme le furent les écrivains Walter Benjamin ou Stefan Zweig. Mais Balibar n’aborde pas le drame de tous les exilés en termes collectifs. Ou plutôt, il choisit de le faire au travers de l’histoire de son domaine de recherche, la superfluidité, elle-même vue par l’histoire d’une personnalité, Laszlo Tisza (1907-2009), qu’il a rencontrée en 2000. Il conclut néanmoins son ouvrage sur les efforts à mener pour aider des universitaires en exil.
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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Média