SCANDINAVIE
Les langues
Le nordique commun
La reconstitution du nordique commun (urnordisk) n'est possible que par comparaison avec d'autres langues germaniques archaïques, en analysant les noms de lieux et de personnes, les vocables retenus par ceux des auteurs classiques qui ont parlé du Nord au début de notre ère, les emprunts que lui ont faits le finnois et les dialectes lapons (on reconnaît, par exemple, dróttinn dans ruhtinas ou guld dans kulta), et les inscriptions runiques rédigées dans l'ancien fu ark à vingt-quatre signes. D'autre part, mis très tôt en contact avec le monde celtique et avec la Romania, le Nord a emprunté de bonne heure à ces voisins quelques vocables, utilitaires surtout (vin, kål = « chou », peppar, mantel, mur, tegel ou des noms d'agents en -are < latin -arius).
Langue indo-européenne, le nordique commun était donc une langue à flexions, où les rapports grammaticaux s'exprimaient par différentes terminaisons (de cas, de genres, de nombres, de personnes) qui s'ajoutaient aux radicaux soit directement, soit par l'intermédiaire d'un affixe de liaison. Le jeu des influences réciproques des sons vocaliques à l'intérieur d'un mot et en fonction de la position de l'accent provoque diverses altérations (parmi lesquelles les métaphonies) qui rendent compte des déclinaisons et des conjugaisons. Le nordique commun a hérité de l'indo-européen ses trois genres (masculin, féminin, neutre), ses trois nombres (singulier, pluriel, et duel qui survivra longtemps en islandais : pronom personnel vit, « nous » = « toi et moi », par opposition à vér, « nous tous »), ses huit cas (nominatif, génitif, datif, accusatif, ablatif, vocatif, locatif et instrumental, qui se réduiront progressivement aux quatre premiers, les quatre autres disparaissant rapidement à l'exception de l'instrumental qui survit dans certaines tournures figées en islandais : kasta steini, « jeter une pierre », ríd–a hesti, « monter un cheval ») et un système de temps verbaux reposant sur l'alternance vocalique, ou apophonie, du radical verbal, elle-même fonction de l'accent, d'où naîtra la conjugaison dite forte (verbe bera, « porter », prétérit singulier bar, pluriel bárum, participe passé borinn). En raison de ces flexions, l'ordre des mots y était très libre, caractère qui, s'il a disparu totalement en suédois, danois et norvégien, s'est partiellement maintenu en islandais.
Langue germanique, le nordique commun présentait en outre les quatre traits caractéristiques de la famille. D'abord, les traces de ce que l'on appelle la mutation consonantique qui a transformé les occlusives aspirées (bh, dh, gh : sanskrit bharati) en constrictives sonores (β, δ, γ, finalement notées b, d, g : islandais bera), les occlusives sourdes (p, t, k : sanskrit pād) en fricatives sourdes (f, , h : islandais fótr, « pied ») et les occlusives sonores (b, d, g : latin genu) en occlusives sourdes (p t, k : islandais kné) ; d'autre part, les conséquences de ce qu'on désigne par loi de Verner : une fricative sourde (f, , χ, s) devient sonore (v, d–, Z, z) si la syllabe précédente en indo-européen ne portait pas l'accent principal du mot, phénomène qui explique en particulier les alternances entre prétérit singulier et prétérit pluriel (pour le verbe être : vera, prétérit singulier vas, pluriel várum). Ensuite, le déplacement de l'accent : l'indo-européen avait un accent musical et mobile qui tend à se fixer, en germanique, sur la première syllabe du mot, ce qui entraîne la réduction ou la disparition (syncope) de syllabes non accentuées surtout en finale et l'apparition du principe typiquement germanique de l'allitération caractéristique de la formulation archaïque, dans les plus anciens textes de lois, dans la poésie[...]
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Écrit par
- Martin Edvard BLINDHEIM : conservateur en chef du département médiéval du Musée historique de l'université d'Oslo
- Régis BOYER : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
- Georges CHABOT : directeur honoraire de l'Institut de géographie de l'université de Paris
- Lucien MUSSET : maître de conférences à l'université de Caen
- Nicole PÉRIN : agrégée de l'Université, docteur en histoire, professeur d'histoire et géographie, chargée de cours à l'université de Rouen
- Jean-Michel QUENARDEL : docteur ès sciences, maître de conférences
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Médias
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