SCHENGEN (ESPACE)
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L’espace Schengen, qui occupe la majeure partie de l’Europe occidentale, est le plus vaste espace de libre circulation du monde. Né d’un accord signé à Schengen (Luxembourg) en 1985, à l’initiative d’une avant-garde d’États européens (France, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), complété par la Convention de Schengen en 1990 (entrée en application en 1995), l’espace Schengen a été progressivement rejoint par la majorité des États membres de l’Union européenne (UE) ainsi que par quatre États tiers associés (Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse). À leur demande, l’Irlande et le Royaume-Uni (sorti de l’UE en 2020) ne l’ont pas intégré. Chypre n’y est pas encore entré mais a vocation à l’intégrer. L’espace Schengen est, selon la Commission européenne, « l’une des plus grandes réalisations de l’intégration européenne » (COM/2021/277 final du 2 juin 2021). Toutefois, à partir de 2015, l’équilibre entre sécurité et liberté sur lequel repose l’« esprit de Schengen » a été fragilisé par une série de crises (attentats terroristes, « crise des réfugiés », pandémie de Covid-19), qui ont provoqué un repli des États sur eux-mêmes et un recul de l’intégration européenne dans ce domaine.
La construction progressive de l’espace Schengen
L’accord signé à Schengen le 14 juin 1985 est souvent présenté comme un « laboratoire ». Il a en effet été adopté dans le contexte de la Communauté économique européenne (CEE) des Douze où, en raison de l’hostilité du Royaume-Uni, il n’était pas possible d’envisager l’abolition des contrôles aux frontières entre États membres. Il fut mis en œuvre par une convention d’application des accords de Schengen (CAAS, dite aussi convention de Schengen), signée à Schengen le 19 juin 1990. La CAAS a prévu des mesures destinées à résoudre les problèmes de sécurité issus de la liberté de circulation entre les États. Ces mesures sont considérées comme partie intégrante de l’« ADN européen » – on parle d’« acquis de Schengen ». Elles réglementent les courts séjours des étrangers (ressortissants des États non membres des Communautés européennes) à l’intérieur de l’espace Schengen, établissent les modalités de la coopération policière et judiciaire entre États et instaurent un système commun d’échange d’informations. Enfin, elles fixent les règles qui permettent de déterminer l’État responsable d’une demande d’asile déposée par un étranger. Sur ce dernier sujet, le Royaume-Uni et l’Irlande avaient souhaité collaborer, dans un contexte où la future suppression des frontières intérieures faisait craindre une circulation incontrôlée des demandeurs d’asile, ainsi que des demandes d’asile multiples déposées par une même personne dans plusieurs pays. Cette collaboration entre les douze membres de la CEE s’est traduite par la conclusion de la convention de Dublin du 15 juin 1990 – avec les mêmes critères de prise en charge des demandeurs d’asile que ceux de la CAAS –, ce qui a donné naissance au système dit « Dublin-Schengen ».
Entré en vigueur le 26 mars 1995, l’espace Schengen a fonctionné sur une base essentiellement intergouvernementale jusqu’au traité d’Amsterdam (signé en 1997 et appliqué à partir de 1999). Celui-ci prévoit d’intégrer l’« acquis de Schengen » aux règles communes de l’Union européenne, tout en permettant aux États membres réticents (Irlande et Royaume-Uni, ainsi que Danemark, qui était opposé à la communautarisation des règles de la CAAS) de conserver une position particulière vis-à-vis de l’espace Schengen et de l’« espace de liberté, de sécurité et de justice » (ELSJ) créé par le traité d’Amsterdam – les deux espaces se superposant sans se confondre. L’intégration des acquis de Schengen aux règles communautaires est le fruit d’une mise en[...]
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Écrit par
- Perrine DUMAS : maître de conférences en droit public, habilitée à diriger des recherches à l'université de Corse, doyenne de la faculté de droit et de science politique de Corse
Classification
Média