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SCIENCE-FICTION

Uchronies, le passé revisité

L'uchronie, dans laquelle l'histoire diverge à partir d'un point historique (ainsi, les Allemands ont remporté la Seconde Guerre mondiale dans Le Maître du haut château de P. K. Dick, 1962), connaît un succès grandissant (Les Conjurés de Florence, P. J. McAuley 1994 ; Rêves de Gloire, R. C. Wagner, 2011), au point d’agrandir le champ de la S.F. Dès 1986, forgé à partir du terme cyberpunk, apparaît le steampunk, une uchronie bien particulière qui ne respecte pas le point de divergence, mais, selon Douglas Fetherling, « s’efforce d’imaginer jusqu’à quel point le passé aurait pu être différent si le futur était arrivé plus tôt ». Dans le décor d’un Londres « gothique » du xixe siècle victorien, ce rétro-futur mêle le fantastique lovecraftien, l’histoire, la fantasy, etc., (James P. Blaylock, Homunculus, 1986) et puise dans tous les lieux et époques, comme Paris au xixe siècle (Fabrice Colin et Mathieu Gaborit, Confessions d’un automate mangeur d’opium, 1999 ; Johan Héliot, La Lune seule le sait, 2000), mêlant alchimistes et dragons (Pierre Pevel, Les Lames du Cardinal, 2007-2010). Fantaisiste et survolté (Xavier Mauméjean, La Ligue des héros, 2001), étrange et poétique (Ian MacLeod, L’Âge des lumières, 2003), le steampunk, à force de croisements et de superpositions, qui donnent une impression de vertige, frôle parfois l’incohérent en déployant un imaginaire baroque sans plus d’intentions avouées que de réponses esthétiques. Ce rétro-futurisme fait évoluer notre rapport vis-à-vis de la connaissance que nous avons de notre présent. Il crée des images qui, parce qu’elles sont situées dans un ailleurs, permettent la création de formes qui insèreront dans leurs univers les objets et figures de la révolution numérique et techno-scientifique contemporaine. On pense que les changements structuraux dans l’ordre du politique, de l’économique et de la technique conditionnent les formes culturelles.

Réaliste et cynique, le cyberpunk a pour cadre le paysage urbain d’un futur brisé qui allie à des lumières nocturnes des carcasses de voitures pour héros obsessionnels, comme ceux qu’on voyait dans Crash ! (1973). Ballard rappelait déjà que nous vivons parmi les vestiges désuets d'un âge d’or spatial non advenu. Le steampunk prolonge, lui, un xixe siècle technologique de façon décalée, à la fois humoristique et nostalgique. Comme si la S.F. n’était plus capable d'imaginer un futur, vu la rapidité des mutations et l’emprise de la technique. Pourtant des mouvements techno-scientistes tel le transhumanisme visent à améliorer l'individu et rêvent d' immortalité. Pour figurer cette limite et cette connexion entre humain et technique, Vernor Vinge (Rainbows End, 2006) a proposé la notion de « singularité » : la convergence des technologies (les N.B.I.C. : nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences de la cognition) dresse un mur d’une telle complexité qu’il semble impossible de penser/ imaginer l'avenir. Ce que tente pourtant, en connectant son corps aux systèmes informatiques, le scientifique Kevin Warwick.

Dans la même logique, le vieux rêve d'immortalité se voit réactivé. Cet impensable technologique est-il plus épais que celui qu'avait à franchir un témoin de la révolution industrielle face aux avancées du xxe siècle ou un individu des années 1930 sommé d'imaginer le bond technologique d'après la Seconde Guerre mondiale ? Des auteurs comme Paolo Bacigalupi (La Fille automate, 2009), Peter Watts (Starfish, 1999), Ian McDonald (Le Fleuve des Dieux, 2004) et des vétérans comme K. S. Robinson ou Greg Bear nourrissent leurs romans de tous ces thèmes. Ils relèvent ainsi le défi de la complexité et de l'interactivité que réclame une telle synergie technologique. On assiste parallèlement au[...]

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<em>Matrix</em>, de Larry et Andy Wachowski, 1999 - crédits : Jasin Boland / Roadshow Film Limited / Album/ akg-images

Matrix, de Larry et Andy Wachowski, 1999

<em>Ghost in the shell</em>, de Oshi Mamoru, 1995 - crédits : Bandai/Kodansha/Production I.G. / The Kobal Collection/ Aurimages

Ghost in the shell, de Oshi Mamoru, 1995

<em>Memento</em>, de Christopher Nolan, 2000 - crédits : NEWMARKET CAPITAL GROUP / Ronald Grant Archive/Mary Evans Picture Library / Photononstop

Memento, de Christopher Nolan, 2000

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