SCIENCE (notions de base)
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En raison de son indiscutable progression, et du fait de ses multiples applications techniques qui ont considérablement bouleversé nos vies, la « science » est un terme générique paré d’un immense prestige. On peut du même coup se demander si le recours à ce mot n’a pas trop souvent pour objectif de faire passer comme absolues des propositions dont la vérité n’est pourtant démontrable dans aucune des sciences constituées. Toute phrase commençant par « la science nous dit que… » doit toujours être interrogée, et il convient de se demander si les affirmations qui suivent ces mots sont réellement scientifiques et pas seulement idéologiques. Il semble donc beaucoup plus pertinent de n’user qu’au pluriel du mot « science » ou d’évoquer à son propos le « savoir objectif ».
À quelles conditions un savoir devient-il « objectif » ?
S’interroger sur le savoir objectif, c’est préciser les relations qu’il entretient avec les autres types de discours, en particulier avec le discours philosophique, dans la mesure où, dès l’origine et tout au long de l’histoire, philosophie et sciences ont eu partie liée. Il n’y a pas eu de vraie philosophie qui n’ait considéré comme objet fondamental de sa recherche les connaissances objectives élaborées par les sciences : Platon (env. 428-347 av. J.-C. env.) ne cesse d’interroger les mathématiques, René Descartes (1596-1650) la physique, Emmanuel Kant (1724-1804) et G. W. F. Hegel (1770-1831) la cosmologie et la biologie, nombre de penseurs contemporains les sciences humaines, Henri Bergson (1859-1941) la paléontologie, etc.
Pourquoi cet intérêt ? D’abord parce que la connaissance scientifique est la seule qui soit rigoureusement démontrable, donc intégralement transmissible. C’est par leurs méthodes que les sciences parviennent à l’objectivité et ce n’est que par elles, et non par leurs objets, qu’elles se différencient des autres types de pensée. Définir les sciences par leurs objets, c’est sombrer dans le redoutable piège circonscrit par Gaston Bachelard (1884-1962) quand il remarque : « Il suffit que nous parlions d’un objet pour nous croire objectifs » (La Psychanalyse du feu, 1938). Aucun objet n’est en soi objet scientifique.
Une proposition quelle qu’elle soit, formulée dans un langage mathématique ou du moins logiquement rigoureux, peut être qualifiée de « scientifique » quand elle est énoncée au terme d’un processus exactement réitérable par n’importe quel individu et autant de fois que l’on veut dans des conditions données. Seule une pareille définition permet de distinguer science et magie, science et religion, science et idéologie. L’espace des sciences est l’espace dans lequel un phénomène peut être observé une infinité de fois, et l’expérimentation scientifique conduite sur ce phénomène reproduite elle aussi une infinité de fois.
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Écrit par
- Philippe GRANAROLO : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires
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