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SCIENCE (notions de base)

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Les sciences dites classiques

Il faudra attendre deux millénaires pour que les sciences de la nature voient le jour, probablement parce que les Grecs, qui disposaient pourtant de tout l’arsenal mathématique qui les aurait rendues possibles, considéraient que notre Terre était chaotique et que seul le ciel était mathématisable.

Parce qu’il était convaincu que « la nature est écrite en langage mathématique » – c’est-à-dire toute la nature, la Terre aussi bien que le ciel –, Galilée a forgé de toutes pièces la science expérimentale moderne. En faisant inlassablement rouler des boules le long d’un plan incliné et en mesurant le temps nécessaire à leur parcours, il est le créateur de la science moderne qui est expérimentale pour deux raisons. La première est qu’il ne s’agit plus d’édifier de grands systèmes philosophiques, mais de découvrir les lois qui régissent la nature ; la seconde est le caractère non directement observable, car trop complexe et trop « emmêlé », de ladite nature. C’est une nature simplifiée que les savants reproduisent dans leurs laboratoires, et c’est ce réel reconstruit qu’ils vont soumettre à leur questionnement.

Néanmoins, il importe de souligner que cette observation est tout sauf passive. L’homme de science attend de ses expérimentations une réponse à ses hypothèses, pour les confirmer ou pour les infirmer, comme le résume sans ambiguïté Claude Bernard (1813-1878) : « L’expérimentateur pose des questions à la nature ; mais dès qu’elle parle, il doit se taire ; il doit constater ce qu’elle répond, l’écouter jusqu’au bout et, dans tous les cas, se soumettre à ses décisions. » Thèse prolongée au siècle suivant par Gaston Bachelard, qui voit dans « l’union des travailleurs de la preuve », dans la collaboration du mathématicien théoricien et du manipulateur expérimental, la condition de développement du savoir objectif.

De la fin du xvie siècle au début du xxe siècle, le modèle de la physique classique va s’imposer jusqu’à devenir un véritable dogme. Théorisé par René Descartes, ce modèle postule que tous les phénomènes peuvent être décrits en termes de forces simples s’exerçant sur des objets invariables. Pesanteur galiléenne, gravitation newtonienne, théorie cinétique des gaz, théorie corpusculaire de l’électricité... tous les scientifiques sont convaincus de disposer d’une grille de lecture à laquelle rien ne saurait échapper. Cette conviction conduit un savant tel que Hermann von Helmholtz (1821-1894) à écrire : « La mission de la science sera achevée du moment où la réduction des phénomènes naturels à des forces simples sera complète et la preuve fournie que cette réduction est la seule dont les phénomènes soient capables » (Sur la conservation de la force, 1847). De 1847 à la fin du xixe siècle, la majorité des hommes de science supposent que la grande aventure scientifique est sur le point d’aboutir et donc de prendre fin.

Déterminisme et liberté

Tant que les sciences ont pris pour objets les phénomènes de la nature, nul n’a envisagé d’imposer des limites à la connaissance scientifique. Tout change à partir du moment où les sciences décident – ce qui est en conformité absolue avec la logique de leur évolution – de prendre l’homme pour objet. Il appartient à Emmanuel Kant de s’emparer le premier de ce problème et d’élaborer une réponse qui est peut-être la seule que la philosophie ait réussi à nous proposer.

La première limitation posée par Kant est la limitation des sciences au monde phénoménal (le mot « phénomène » vient de la langue grecque et signifie « ce qui apparaît », « ce qui se donne à la sensibilité »). Pour qu’un savoir objectif se développe, un phénomène doit se manifester dans l’espace et dans le temps, et la raison humaine peut alors lui appliquer ses catégories, autrement[...]

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

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