SCIENCE (notions de base)

La sortie de la « science classique »

Le paysage scientifique s’est profondément modifié au cours du xx^e siècle, avec la remise en cause du paradigme dualiste qui distinguait la matière et l’esprit, l’observateur et la chose observée. En effet, de la relativité d’Einstein, établissant l’équivalence de la matière et de l’énergie, aux physiques quantiques considérant que la réalité est faite d’« ondes de probabilité » qui ne deviennent corpuscules que lorsqu’elles sont interceptées par un appareil de mesure ou par l’organe récepteur d’un observateur vivant, c’est la notion de « matière » qui a perdu toute consistance.

En s’intéressant de plus près à la nature de la matière, les physiciens quantiques se sont rendu compte que rien n’est défini tant que nous n’observons pas ce qui pourrait être. Erwin Schrödinger (1887-1961), dans son essai L’Esprit et la Matière (1958), montre que nous sommes comme les créateurs de la matière et des qualités sensibles, que nous croyons apercevoir en dehors de nous au moment où les « ondes de probabilité », qui seules existent indépendamment de nous, interagissent avec notre corps.

En rompant avec le dualisme qui a structuré depuis la civilisation hellénique le monde de la connaissance, les sciences ont accédé à une réalité énigmatique et déroutante, une « incertaine réalité », pour reprendre les termes du physicien Bernard d’Espagnat (1921-2015). Deux hypothèses s’affrontent alors : celle qui voit dans ces évolutions une crise passagère, comparable à d’autres crises que les sciences sont parvenues à surmonter au cours de leur histoire, et celle qui considère que le savoir humain est confronté à un tournant décisif et irréversible.