COGNITIVES SCIENCES
Recherches et applications : quelques exemples
Les sciences cognitives recouvrent désormais un champ trop varié et étendu pour qu'on puisse dresser une liste des principales questions qu'elles étudient. On se contentera ici d'un échantillon de recherches, choisies en raison de leur caractère clairement interdisciplinaire, qui viennent s'ajouter aux exemples évoqués dans ce qui précède.
Thèmes interdisciplinaires
Langage et communication
L'un des principaux et des premiers acquis des sciences cognitives est d'avoir distingué et articulé différents niveaux de représentation au sein du langage, chaque niveau nécessitant une analyse particulière, et leur articulation effective, dans la production et la compréhension du langage (parlé ou écrit), une théorie supplémentaire. Ajoutons que le penseur qui a le plus contribué à cette clarification de l'objet de la linguistique, Noam Chomsky, est également celui dont les conceptions ont le plus marqué le cognitivisme depuis ses origines, vers le début des années 1950. Quelles que soient les critiques dont ses théories font l'objet dans certains milieux, Chomsky demeure le principal théoricien du domaine, comme le reconnaissent d'ailleurs la plupart de ses adversaires au sein des sciences cognitives.
Un second acquis, plus négatif en apparence, a été la constatation qu'à chaque niveau la tâche qu'accomplit le système humain est d'une complexité stupéfiante, et que l'explication comme la simulation se heurtent à des difficultés redoutables.
Notre premier exemple concerne la perception et la production du discours, du flux de la parole. (Notons en passant qu'ici se chevauchent le thème du langage et ceux de la perception et de l'action.) Acousticiens, phonéticiens, phonologistes sont solidaires face à une série de défis. Il leur faut expliquer trois phénomènes apparemment mystérieux :
– la perception catégoriale, qui permet à l'auditeur de classer dans des catégories discrètes des stimuli dont les différences varient continûment ;
– la constance perceptive, qui permet à l'auditeur de comprendre le même mot en dépit de variations énormes d'une énonciation à l'autre (c'est cette variabilité qui fait obstacle à la réalisation d'un système entièrement satisfaisant de reconnaissance de la parole) ;
– l'invariance de la cible, en vertu de laquelle la même parole est produite par un locuteur, alors que d'une énonciation à l'autre les déplacements matériels de ses organes varient plus fortement encore que les sons produits.
La perception de la parole est un domaine dans lequel d'autres disciplines progressent également. La psycholinguistique développementale découvre les capacités considérables que les nourrissons déploient dès les premières semaines, et parfois dès les premiers jours de la vie, dans la perception des phonèmes, la discrimination des paroles de la mère, celle de la langue maternelle, etc. La capacité de distinguer tous les phonèmes des langues naturelles semble présente à un stade très précoce, tandis que l'exposition exclusive à la langue maternelle conduirait à l'élimination ultérieure de certaines distinctions : les jeunes Japonais (monolingues) perdent la capacité de distinguer le /l/ du /r/. Il n'empêche que l'on ne dispose pas encore d'une solution complète au problème central de la psycholinguistique développementale : sachant que la compréhension d'une phrase prononcée exige de pouvoir segmenter le flux sonore de la parole, que cette segmentation exige de disposer de connaissances lexicales, syntaxiques et sémantiques, lesquelles ne semblent pouvoir elles-mêmes être acquises que sur la base de chacune des autres, comment le bébé fait-il pour apprendre tout cela, se sortant ainsi, apparemment, d'un cercle multiplement vicieux ?[...]
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Écrit par
- Daniel ANDLER : professeur de philosophie à l'université de Paris-IV-Sorbonne, ancien directeur du département d'études cognitives, École normale supérieure
Classification
Médias
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