SCIENCES HUMAINES
L'étude des humanités
Le latin humanitas, lorsqu'il traduit le grec païdeia, signifie « culture », « éducation », « civilisation ». L' humanisme est issu d'une double tradition, hellénistique (ou gréco-latine) et judéo-chrétienne (hébraïque et grecque), l'humanisme a transformé l'idée même de tradition. La conception médiévale de celle-ci était d'ordre ecclésiastique ou juridico-théologique. En soumettant les auteurs sacrés aux mêmes méthodes d'exégèse que les auteurs profanes, l'humanisme a fait de la tradition des anciens « la culture » par excellence, celle qui a fondé l'unité spirituelle de l'Europe et l'a finalement ouverte à l'étude comparée de toutes les cultures. La transformation du concept de tradition ecclésiastique en celui de tradition humaniste ou culturelle est solidaire du développement de la critique philologique et historique. On peut résumer cette évolution en posant quelques jalons.
Le Moyen Âge vénérait dans les textes des « autorités » (auctor, auctoritas). Ces autorités étaient à la fois juridiques et théologiques. Les « lettres humaines » (litteraehumaniores) n'étaient pas seulement la littérature mais plus fondamentalement la jurisprudence, qui traite de la loi humaine par opposition à la loi divine des litteraediviniores. Cette ancienne signification légale des « lettres » se trouve encore chez Cervantès (Don Quichotte, I, chap. xxxvii). Mais dès le xiie siècle, le Sic et non d'Abélard avait posé le problème de la conciliation des autorités. Du même mouvement par lequel le juriste cherchait à concilier les autorités canoniques dans une Concordia discordantiumcanonum (Gratien), le théologien recherchait l'harmonie des deux Testaments, la Concordia scripturarum. L'exégèse médiévale s'appuyait sur une vision totalisante de l'histoire, unifiée par l'eschatologie, de même qu'aujourd'hui le messianisme révolutionnaire perpétue le dédoublement religieux du monde, fondement sacré d'un légitimisme unique, militant et combattant.
La synthèse médiévale, celle qui demeure inscrite au portail royal de Chartres, s'est défaite pour de multiples raisons. La première expression intellectuelle de sa dissociation se trouve dans la scolastique finissante, en particulier dans la conception ockamiste de la théologie comme science formellement déductible que, à la fin du xve siècle, Gabriel Biel, disciple de Guillaume d'Ockham, a clairement résumée : « La vérité catholique est vérité révélée par Dieu en elle-même ou dans son antécédent [...]. On dit « en elle-même » à cause des vérités du canon biblique qui, toutes, ont été expressément révélées [...]. On dit « dans son antécédent » à cause des vérités qui, à partir de celles contenues dans la Bible, peuvent être inférées ou déduites en conséquence nécessaire » (Commentarium in quartumlibrumsententiarum, éd. Brixiae, 1574). Cette théorie déductive de l'inférence ou de la « conclusion théologique » détruisait l'analogie harmonisante du grand poème médiéval. Substituant à la grâce enveloppante des allégories scripturaires la sécheresse de ses distinctions, elle inaugurait l'inventaire analytique des textes, désormais considérés comme lieux documentaires d'information aussi bien dans les locitheologici de la Contre-Réforme que dans la Scripturasola de la Réforme.
Le passage de la conception médiévale des « autorités » et des sacramenta (mysteria) scripturarum à la conception philologique du document, au sens historique et moderne du terme, s'est effectué par l'intermédiaire de l'humanisme. La philologie, qui est l'étude historique des textes au double point de vue grammatical et littéraire, a été l'instrument de cette transformation. Le commentaire « sententiel[...]
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Écrit par
- Edmond ORTIGUES : professeur émérite à l'université de Rennes
Classification
Médias
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